Quand avez-vous copié la musique de votre artiste favori sur un cédérom vierge pour la dernière fois? La réponse à cette question explique certainement pourquoi les redevances perçues par la Société canadienne de perception de la copie privée (SCPCP) sont en chute libre. En effet, nous apprenions cette semaine que celle-ci ne perçoit plus que 2,6M$ annuellement en redevances, alors qu’elle percevait 37,4M$ en 2004.
D’abord, qu’est-ce que le SCPCP? En vertu de la Loi sur le droit d’auteur (LDA), cet organisme se charge depuis plusieurs années de percevoir une redevance sur la vente de cédéroms vierges, contournant ainsi les effets de la violation des droits d’auteur. Pour l’année courante, cette redevance était de 29 ¢ par unité. Par ailleurs, la SCPCP ne perçoit plus de redevances sur les casettes vierges depuis 2010 (est-il encore possible d’en trouver sur les étalages?). Les redevances sont ensuite distribuées entre les auteurs-compositeurs et les maisons de disques du Canada, en fonction d’échantillons représentatifs de la musique diffusée sur les ondes et de la vente d’albums.
Or, les habitudes de consommation de la musique par les canadiens changent drastiquement en fonction de la nouvelle technologie. En effet, ceux-ci écoutent de plus en plus de la musique à l’aide de leur téléphone intelligent, plutôt que l’archaïque lecteur cédérom portatif ou encore le plus récent lecteur MP3. Cette tendance se mesure également par la popularité des sites de musique en continue tel que Spotify, ce qui cause en soit des problématiques importantes relativement à la perception des droits d’auteur.
Résultat de ce changement? La vente de cédéroms vierges est en chute libre et la SCPCP distribue de moins en moins de redevances aux auteurs-compositeurs et aux maisons de disques.
Le nœud du problème est que la LDA ne permet pas à la SCPCP de s’adapter aux nouvelles technologies et de « déplacer » la redevance qu’elle perçoit sur les nouveaux supports, par exemple les téléphones intelligents ou les tablettes. En effet, l’article 29.22 de la LDA, introduit en 2012, prévoit spécifiquement qu’il ne s’agit pas d’une violation du droit d’auteur que de copier sur « un support ou un appareil » un album de musique qui a par ailleurs été acquis légalement :
29.22 (1) Ne constitue pas une violation du droit d’auteur le fait, pour une personne physique, de reproduire l’intégralité ou toute partie importante d’une œuvre ou d’un autre objet du droit d’auteur si les conditions suivantes sont réunies :
- a) la copie de l’œuvre ou de l’autre objet du droit d’auteur reproduite n’est pas contrefaite;
- b) la personne a obtenu la copie légalement, autrement que par emprunt ou location, et soit est propriétaire du support ou de l’appareil sur lequel elle est reproduite, soit est autorisée à l’utiliser;
- c) elle ne contourne pas ni ne fait contourner une mesure technique de protection, au sens de ces termes à l’article 41, pour faire la reproduction;
- d) elle ne donne la reproduction à personne;
- e) elle n’utilise la reproduction qu’à des fins privées.
Qu’est-ce qu’un « support ou un appareil »? La LDA explique plus loin qu’un téléphone intelligent peut se qualifier (article 29.22 (2) LDA), mais non pas un support audio tel qu’un cédérom (article 79 LDA)… On ne peut donc imposer une redevance sur un téléphone intelligent si ce dernier ne sert pas à violer les droits d’auteur. La LDA évacue donc définitivement ce que les détracteurs ont nommé la « taxe iPod ».
Dans cet article critique de l’article 29.22 de la LDA par l’avocate Madeleine Lamothe-Samson, celle-ci s’interroge sur le fait qu’une copie soit traitée différemment selon le support utilisé, soit un cédérom ou un téléphone intelligent. Avec les récentes données et les faibles distributions de redevances aux auteurs-compositeurs et aux maisons de disques cette année, gageons que ces derniers et la SCPCP intensifieront la pression sur le gouvernement fédéral afin de modifier la LDA pour imposer des redevances sur les téléphones intelligents.
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