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Adoption d’une nouvelle loi en France visant à protéger l’accès aux œuvres culturelles à l’ère du numérique

8 novembre 2021
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Adopté au parlement le 29 septembre 2021, la loi relative à la régulation et à la protection de l’accès aux œuvres culturelles à l’ère du numérique a été publié au journal officiel le mardi 26 octobre 2021, elle entre donc en vigueur en France au lendemain de cette date.

Cette loi modifie plusieurs articles du code de la propriété intellectuelle, code du cinéma et code du sport entre autres. Le but étant de créer une meilleure protection des droits d’auteurs, d’accentuer la lutte contre le piratage et d’assurer la garantie d’un accès public aux œuvres audiovisuelles françaises. Et cela, dans un contexte où la diffusion illégale d’œuvres mais également la vente sur internet se propagent de manière exponentielle. A titre d’exemple, on peut noter que le manque à gagner issu de la consommation illicite de contenus a été évalué à 1030 M€ en 2019. Le marché de la vidéo à la demande par abonnement affiche quant à lui, affiche une croissance soutenue depuis plusieurs années avec près de 18 millions d’utilisateurs en 2019 (Étude de l’impact économique de la consommation illicite en ligne de contenu audiovisuels et de retransmission d’événements sportifs (P3/60))

Les principales nouveautés de cette loi concernent : la garantie d’un accès public au œuvres audiovisuelles française ainsi que la création d’un mécanisme de contrôle inédit : l’autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ci-après : « l’ARCOM ») , qui n’est autre que la fusion entre la haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet (HADOPI, issu d’un décret du 31 décembre 2009) et du conseil supérieur de l’audio-visuel (CSA).

Concernant la protection de l’accès du public aux œuvres audiovisuelles françaises

On retrouve cette protection à l’article 30 de la loi. Cet article intègre des nouvelles normes au code du cinéma afin que les œuvres cinématographique et audiovisuelles françaises cédées à des sociétés étrangères restent accessible au public. Le but étant ainsi de protéger le patrimoine audiovisuel. Ainsi, Les œuvres cédées par un producteur français à une société étrangère devront donc être notifiées au ministre de la Culture, afin que ce dernier puisse s’assurer du respect de cette obligation.

« Art. L. 261-1.-I.-Toute cession, par un producteur soumis à l’obligation de recherche d’exploitation suivie prévue à l’article L. 132-27 du code de la propriété intellectuelle, d’une ou de plusieurs œuvres cinématographiques ou audiovisuelles, entrant dans le champ d’application de l’accord prévu au même article L. 132-27, à une personne non soumise audit article L. 132-27 et n’ayant pas la qualité de coproducteur de l’œuvre ou des œuvres concernées, ou toute autre opération d’effet équivalent à une cession quant au droit d’exploiter les œuvres, fait l’objet d’une notification au ministre chargé de la culture avant sa réalisation. »

« Cette notification est accompagnée d’un dossier permettant au ministre chargé de la culture de s’assurer que le bénéficiaire de l’opération est en mesure, au regard des moyens humains, techniques, matériels et financiers dont il dispose, de rechercher l’exploitation suivie des œuvres cédées dans des conditions équivalentes à celles résultant de l’application de l’accord prévu à l’article L. 132-27 du code de la propriété intellectuelle. »

Le ministre dispose dès lors d’un délai de trois mois pour statuer, s’il estime que la cession ne respecte pas l’obligation de la loi, il peut saisir la « commission de protection de l’accès aux œuvres » qui pourra contraindre la société étrangère à apporter des garanties supplémentaires afin de respecter la présente loi. Là encore la commission dispose d’un délai de 3 mois pour statuer.

Art L. 261-2 al 5 : « A l’issue de cette procédure, la commission peut imposer au bénéficiaire de l’opération, par une décision motivée, les obligations qu’elle estime appropriées pour rechercher l’exploitation suivie de tout ou partie des œuvres cédées au regard des moyens humains, techniques, matériels et financiers dont il dispose, dans des conditions équivalentes à celles résultant de l’application de l’accord prévu à l’article L. 132-27 du code de la propriété intellectuelle. »

En cas de désaccord la société étrangère peut toutefois demander un recours de la décision de la commission devant le juge judiciaire.

Art L. 261-2 al 6 : « La décision de la commission peut faire l’objet d’un recours devant le juge judiciaire. »

Concernant la création de l’« ARCOM »

Pour laisser place à ce nouveau mécanisme de contrôle, le 1er janvier 2022, HADOPI sera dissoute et le CSA sera remplacé par l’ARCOM, qui intégrera donc les deux mécanismes préexistant en un seul et même organisme de contrôle.

Là où HADOPI était limitée sur les réseaux Peer to Peer (tels que : Bit Torrent, Napster, Skype), le « direct download » ne représentant pourtant aujourd’hui qu’une petite partie de la consommation illégale de contenu sur internet, la majeure partie se situant sur l’utilisation de sites de consommations immédiates, entendons par là, les sites de « streaming ». L’ARCOM ira plus loin, en disposant des pouvoirs étendus.

Tout d’abord elle intègrera les données déjà collectés par HADOPI en les associant à celles du CSA, cela lui permettra de bénéficier d’une véritable base de données concernant le téléchargement illégal.

De plus, il est prévu une coopération entre l’ARCOM, les moteurs de recherches, chaines de télévisions et autres producteurs de contenus, permettant l’établissement d’une « liste noire » des sites hébergeurs de contenus illicite. Cette liste pourra être rendue publique ce qui permettra aux ayants droits d’intenter des actions en justice en se basant sur les atteintes « grave et répétée aux droits d’auteur et aux droits voisins ».

 « Art. L. 331-25.-I.-Au titre de la mission mentionnée au 1° de l’article L. 331-12, l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique peut rendre publique l’inscription sur une liste du nom et des agissements de ceux des services de communication au public en ligne ayant fait l’objet d’une délibération dans le cadre de laquelle il a été constaté que ces services portaient atteinte, de manière grave et répétée, aux droits d’auteur ou aux droits voisins. »

Un mécanisme de blocage ou de déréférencement des sites miroirs sera aussi mise en place afin de lutter contre la reproduction de sites ayant déjà fait l’objet d’une condamnation judiciaire et réapparaissant sous un autre nom.

Par ailleurs, la loi consacre une troisième section au livre III du code du sport dédiée exclusivement à la retransmission illicite des manifestations et compétitions sportives. Ainsi, Les détenteurs de droits de diffusion d’évènements sportifs, bénéficieront eux aussi de la possibilité de sanctionner par le blocage ou déréférencement du site frauduleux en cas d’atteintes « graves et répétée à leurs droits ».

Article L. 333-10 : « 2° L’entreprise de communication audiovisuelle, dans le cas où elle a acquis un droit à titre exclusif, par contrat ou accord d’exploitation audiovisuelle, sur une compétition ou manifestation sportive, que cette compétition ou manifestation sportive soit organisée sur le territoire français ou à l’étranger, dès lors que ce droit est susceptible de faire l’objet ou fait l’objet de l’atteinte mentionnée audit premier alinéa. »


« II. Le président du tribunal judiciaire peut notamment ordonner, au besoin sous astreinte, la mise en œuvre, pour chacune des journées figurant au calendrier officiel de la compétition ou de la manifestation sportive, dans la limite d’une durée de douze mois, de toutes mesures proportionnées, telles que des mesures de blocage ou de retrait ou de déréférencement »

Dans son rapport sur l’impact économique des retransmissions illégales d’évènements sportifs (P32/60), la HAPOPI comptabilise à 3,4 millions, le nombre d’internautes ayant eu recours au live streaming pour regarder du contenu sportif, ce chiffre est en hausse de 70% par rapport à 2019. Ce nombre est considérable est correspond à un manque à gagner indiscutable de 500 millions d’euros pour les ayants droits. Le mécanisme de réponse visera donc là encore à bloquer rapidement les plateformes hébergeant le contenu.

Nous pouvons donc constater une réelle prise de conscience et une volonté de lutte contre le piratage des œuvres audiovisuelles en ligne. Cette loi vise avant tout à bloquer les sites et non à sanctionner les consommateurs, comme c’était le cas pour HADOPI.

Cependant, selon certains experts et notamment une avocate interviewée par France info, malgré le fait que cette loi est une bonne initiative, il est pratiquement impossible de stopper les pratiques liées à la consommation illégale de contenu en ligne car « il est extrêmement facile de créer de nouveaux sites qui ne seront pas dans la liste noire. Ils [les créateurs de ces sites] n’ont même pas besoin de créer de société. Alors c’est une bonne chose pour « arrêter un petit peu l’hémorragie” et éviter que ces sites qui ont pignon sur rue puissent continuer à faire des streaming illégaux. » mais cela n’inversera pas la tendance pour autant.

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