Le 9 mars dernier, Dubset Media Holdings annonçait la sortie de MixSCAN, une première technologie qui permet de régler le problème de la distribution des remix et de la rémunération des propriétaires des droits d’auteur sur les plateformes de streaming.
La problématique du remix
Un remix s’accomplit en modifiant une œuvre déjà existante pour se l’approprier. À l’ère du numérique, la production de remix est de plus en plus facile et accessible à tous, car les technologies sont peu coûteuses et simples à utiliser. Les consommateurs ne sont plus passifs; ils participent à la création du contenu en modifiant des œuvres préexistantes. De nos jours, comme Kirby Ferguson l’a démontré dans ses films, Everything is a remix.
Plusieurs artistes ont vu leur carrière décollée suite à la production de remix. Certains DJs ont entièrement bâti leur carrière sur la production de mashups. C’est donc là qu’apparaît la problématique du remix. Comment un artiste peut-il commercialiser son œuvre nouvelle?
Pour répondre à cette question, il faut d’abord prendre conscience de la protection offerte aux œuvres originales, notamment, au Canada, dans la Loi sur le droit d’auteur. Dans un premier temps, une œuvre musicale est accompagnée de droits économiques. L’article 3(1) LDA donne à l’auteur les droits exclusifs de reproduire publiquement et de distribuer l’œuvre à des fins commerciales. Dans un second temps, une œuvre musicale est attachée à des droits moraux. L’article 14.1 LDA confère à l’auteur de l’œuvre originale le droit à la paternité de l’œuvre et à son intégrité.
Aussi, pour reproduire et diffuser un remix à des fins commerciales, il faut avoir l’autorisation du titulaire des droits d’auteur quand celui-ci incorpore des œuvres protégés par de tels droits. Dans l’industrie de la musique, le fait d’obtenir cette permission, cette licence de reproduction, s’appelle la clearance. Lorsqu’on obtient une clearance, il est possible de vendre l’œuvre remixée selon les conditions autorisées par l’ayant droit, à condition de respecter aussi ses droits moraux. Généralement, le titulaire des droits de l’originale demandera à être rémunéré pour l’utilisation de son œuvre.
Actuellement, la majorité de la musique n’appartient plus aux créateurs originaux, mais aux grandes maisons de disques. Même si plusieurs artistes sont en faveur d’une utilisation libre de leurs œuvres (en échange de plus de visibilité), les labels de musique s’y opposent. Ceux-ci protègent fermement leurs propriétés intellectuelles, car ils ne veulent pas de pertes financières. L’exploitation commerciale des remix est donc possible, mais la clearance est difficile à obtenir auprès des maisons de disques.
Technologie MixSCAN, tout le monde gagnant?
C’est pour répondre à cette problématique que Dubset a conçu la technologie MixSCAN. Il s’agit de la première plateforme qui permet la distribution légale de remix sur les plateformes de streaming. Dubset décrit sa technologie en quelques mots : « MixSCAN […] serves all aspects of content registration, music identification, distribution and rights resolution. »
Dans un premier temps, les ayants droit autorisent la clearance des chansons qu’ils veulent sur leur tableau de bord. Ensuite, la technologie identifie jusqu’aux plus petits extraits de ces chansons qui sont utilisés dans les remix. Finalement, elle rémunère proportionnellement les propriétaires des droits d’auteur en temps réel, chaque fois que le remix est joué en streaming.
La technologie d’identification de droits de Dubset résout les problèmes associés au copyright et à la rémunération des propriétaires des droits d’auteur. Pour les maisons de disques et les ayants droit, MixSCAN assure qu’ils seront payés à chaque fois que leur chanson sera jouée.
Pour les consommateurs et les abonnés aux services de streaming, la nouvelle plateforme leur permettra d’accéder à de nombreuses heures de nouveaux contenus et de découvrir des milliers de nouveaux DJs pour lesquels il n’était pas possible de distribuer leurs remix et mashups.
Pour les plateformes de streaming, la nouvelle technologie leur permettra d’offrir des millions de nouvelles chansons légalement. Cette nouvelle offre plus diversifiée attirera de nouvelles inscriptions à leur service.
Pour les créateurs des originaux, la multiplication des remix leur permettra d’avoir plus de visibilité et possiblement de rejoindre de nouveaux fans.
Dubset a trouvé une façon de distribuer les nombreux remix et mashups sur les plateformes de streaming, tout en respectant les licences de copyright. La compagnie est présentement en discussion avec les plus grands labels de musique pour implanter sa technologie le plus tôt possible.
Dubset et le cas particulier du Canada
Il convient de noter que le droit canadien contient une exception aux droits d’auteur qu’on ne retrouve pas ailleurs : l’exception du contenu généré par l’utilisateur. L’article 29.21 de la Loi sur le droit d’auteur autorise les remix et leur reproduction, à condition qu’ils soient à des fins non commerciales, que leur source soit identifiée, que les œuvres originales aient été obtenues légalement et que les remix n’entrent pas en concurrence avec les originaux.
Néanmoins, l’article 29.21 ne protège plus les créateurs dès lors que le remix entre dans le circuit de distribution commerciale. La technologie MixScan permet ainsi de sécuriser ce type de distribution.
Au-delà des solutions apportées par MixSCAN, on peut se questionner à savoir si les droits intellectuels de tous les pays (excluant en partie le Canada, dont la législation autorise les remix non commerciaux) sont vraiment adaptés aux nouvelles technologies. Dans le documentaire québécois RiP! : A Remix Manifesto, le réalisateur se positionne contre le domaine de la culture « privatisé et structuré en sociétés. Un monde où, pour créer, il faut quémander une permission des gens assez puissants pour enfermer les idées du siècle dernier. » Il défend le concept du copyleft (par opposition au copyright), qui est un système où l’audience participe à la création commune de la culture en la modifiant, la partageant et la commercialisant librement. Alors que l’ère du numérique encourage le contenu généré par les utilisateurs, le copyright privatise la culture et freine son évolution. Selon lui, seuls les échanges ouverts permettront la croissance et la créativité.