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Messenger Kids : Les enfants, les réseaux sociaux et le vide juridique canadien

(cc) Aj Cann

6 décembre 2017
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Nouvelle annonce en ce lundi 4 décembre, Facebook lance sa nouvelle application de messagerie instantanée Messenger Kids . Dérivée de l’application Messenger et proposant, pour la plupart, les mêmes services, ce nouveau service de messagerie vise les enfants de moins de 13 ans et fonctionne sous le contrôle entier des parents. En effet, étant donné la nature délicate que constitue les réseaux sociaux créés pour les enfants, les parents devront créer un compte pour leurs enfants à partir de leur propre compte Facebook et approuver les contacts des enfants, en plus d’être déjà « ami » avec ces derniers :

« To give kids and parents a fun, safer solution, we built Messenger Kids, a standalone app that lives on kids’ tablets or smartphones but can be controlled from a parent’s Facebook account.

[…] 

Messenger Kids gives parents more control. Parents fully control the contact list and kids can’t connect with contacts that their parent does not approve. Parents control kids accounts and contacts through the Messenger Kids Controls panel in their main Facebook app […] »

De plus, selon le communiqué de la compagnie, l’application serait conforme à la législation américaine concernant la protection de la vie privée des enfants sur Internet, Children’s Online Privacy Protection Act (COPPA).

En fait, cette loi, mise en place par la Commission fédérale du commerce , la Federal Trade Commission (ci-après « FTC ») qui a autorité pour l’instauration de règles fédérales applicables à l’industrie entière, au sein de son Code de règles fédérales pour le domaine électronique (Electronic Code of Federal Regulations ou e-CFR), et plus particulièrement au sein des règles Children’s Online Privacy Protection Rule (CPPR), selon l’article 312.1 , encadre le secteur privé pour tout ce qui touche la présence virtuelle des enfants. En effet, cette loi prévoit qu’il est illégal d’effectuer la cueillette d’information personnelle de tout enfant de moins de 13 ans, à moins qu’il n’y ait eu, au préalable, avis informant quel type, à quel usage ces informations sont recueilles et à qui ces informations pourraient être communiquées, en plus d’obtenir «verifiable parental consent for the collection, use, or disclosure of personal information from children », selon les articles 6501(1) et 6502(a)(1), (b)(1)(A)(i) et (ii) COPPA.

De ce fait, malgré un certain malaise face à cette nouvelle application qui nécessairement entrainera une collecte d’information d’enfants en bas âge, il n’en reste pas moins que les États-Unis se sont prémunis d’une législation contrôlant les effets des pratiques commerciales du secteur privé, ce qui n’est pas le cas du Canada.

En effet, au Canada, il y a une sorte de vide juridique quant à la protection de la vie privée des enfants. En fait, la vie privée des citoyens est protégée, au niveau fédéral, par Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques (LPRPDE), et au Québec par la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé (LPRSP).

Or, ces deux lois offrent des protections générales s’appliquant à toutes personnes sans qu’il n’y ait de dispositions particulières concernant les informations des enfants. En effet, au niveau fédéral, dans la LPRPDE, il est question d’individu et de renseignement concernant « un individu identifiable », sans qu’il n’y ait de distinction au niveau de l’âge. Même problématique au Québec, l’article 1 LPRSP renvoie aux droits prévus par le Code civil du Québec aux articles 35 à 40 en matière de vie privée, droits qui sont, encore une fois, d’ordre général et applicables à tous. Puis, l’article 2 LPRSP, en définissant la notion de renseignement personnel, ne fait que traiter d’informations qui concerne « une personne physique et permet de l’identifier ». Bref, il y a un flou.

Le Commissariat à la vie privée du Canada, conscient de cet enjeu a pris la position suivante dans son dernier Rapport annuel au Parlement en septembre dernier :

«[…] sauf dans les cas exceptionnels, le consentement à la collecte, à l’utilisation et à la communication de renseignements personnels d’enfants de moins de 13 ans doit être obtenu auprès des parents ou tuteurs. »

Ainsi, cette dernière position transfert la responsabilité de la protection de la vie privée des enfants sur les compagnies elles-mêmes. En effet, les Lignes directrices en matière de consentement en ligne, émise par le Commissaire encourage les entreprises à adopter une approche plus consciencieuses face aux informations des enfants :

« Les organisations devraient mettre en place des approches novatrices pour présenter de l’information sur la protection des renseignements personnels aux enfants et aux jeunes en tenant compte de leur développement cognitif et affectif et de leur expérience de vie. »

En fait, au Québec comme au Canada, de nombreuses initiatives ont été mises en place par les organismes protégeant la vie privée. En effet, la Commission d’accès à l’information du Québec a créé une campagne de sensibilisation chez les adolescents afin de les informer des risques et du fonctionnement des réseaux sociaux. Au fédéral, le Commissariat, a pour sa part instaurer des guides et des ressources nombreuses afin d’éduquer les jeunes et les sensibiliser. Ainsi, malgré une absence de position claire, la Commission québécoise comprend tout de même l’importance de la problématique.

Bref, pour le moment, l’application n’est accessible qu’aux États-Unis. Par contre, une éventuelle distribution au Canada permet d’amplifier le débat sur la protection de la vie privée des enfants. Selon certains, la protection législative présente est insuffisante et les gouvernements se doivent de légiférer de façon plus stricte sur la matière. De ce fait, cet enjeu est fondamental étant donné l’ampleur, de plus en plus grande, de l’exposition des enfants en bas âge à la technologie et mérite ainsi une attention particulière.

 

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