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Fin de la neutralité du net aux États-Unis : impacts et avenir au Canada

12 décembre 2017
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Le débat fait rage depuis plusieurs semaines aux États-Unis, dans les rues et en ligne. Mais il pourrait bien franchir une étape décisive le 14 décembre prochain : la Federal Communications Commission (FCC) des États-Unis se réunira afin d’abroger les règles relativement à la neutralité du net.

Barack Obama en avait fait une pièce maîtresse de son mandat à la Maison blanche : la neutralité du net devait garantir à tous les Étatsuniens un accès gratuit, libre et ouvert. Dans ce vidéo, l’ancien président y expliquait l’importance de la neutralité du net, dans un monde où Internet devient essentiel pour tous et chacun.

Mais d’abord, qu’est-ce que la neutralité du net? Le journal Le Monde résume dans cet article les fondements de ce principe qui s’applique non seulement aux États-Unis (pour le moment) mais également au Canada (nous y reviendrons) et en Europe.

En bref, il s’agit de règles empêchant aux fournisseurs Internet (comme Verizon et AT&T aux États-Unis) de privilégier certains contenus sur Internet, comme par exemple en permettant aux consommateurs un accès plus rapide à certains sites ou encore en refusant l’accès à d’autres sites. Ainsi, les fournisseurs auront beaucoup plus de flexibilité dans la facturation de leurs produits et services.

Pourquoi une telle réforme? Outre l’aspect idéologique – les Républicains qui contrôlent maintenant la FCC y voient une réglementation qui va à l’encontre de la liberté de commerce – le président de la FCC Ajit Pai (ancien avocat de Verizon) justifie la nécessité de revoir les règles entourant la neutralité du net afin de permettre aux fournisseurs d’offrir de nouveaux services et ainsi mieux investir dans le développement de leurs réseaux de télécommunications. Dans son projet officiel de réforme, la FCC s’exprime ainsi :

For decades, Commission policies encouraged broadband deployment and the development of the Internet. That ended two years ago. In 2015, the Commission imposed heavy-handed, utility-style regulation on Internet service providers (ISPs). Since then, broadband investment has fallen for two years in a row—the first time that that’s happened outside a recession in the Internet era. And new services have been delayed or scuttled by a regulatory environment that stifles innovation.

Or, l’opposition gronde et une coalition hétéroclite se forme, composée de démocrates et de libertaires et de multiples chroniqueurs comme John Oliver dans cette vidéo. On craint notamment que cette réforme porte atteinte à la liberté d’expression et désavantage indûment les consommateurs.

Comment? Les fournisseurs pourront imposer un tarif additionnel aux consommateurs ou aux propriétaires des sites Internet pour permettre d’accéder à certains sites Internet. L’abonnement aux services Internet pourrait ainsi se décliner en plusieurs forfaits, comme pour la télévision. Il en résulte inévitablement des frais plus importants pour les consommateurs qui souhaiteront avoir un accès plus complet à Internet.

Cela pourra ne pas causer de problèmes aux géants d’Internet qui auront les moyens d’acquitter directement ce tarif additionnel (Facebook ou YouTube par exemple) mais pourrait être autrement plus difficile à supporter pour de plus petits joueurs – les Netflix et les Amazon en devenir – qui perdront de la visibilité et la possibilité de se faire une place au soleil.

Par ailleurs, plusieurs craintes de conflits d’intérêts ont été formulées à l’endroit des plus grands fournisseurs Étatsuniens : Verizon détient AOL et Yahoo, Comcast détient NBC Universal et AT&T bataille ferme pour acquérir Time Warner. Ainsi, on craint que les fournisseurs avantagent indûment leurs propres filiales au détriment des autres sites et fournisseurs de contenu.

Et au Canada?

Au Canada, le CRTC s’est récemment clairement prononcé au faveur de la neutralité du net. La récente politique 2017-104 réglemente la tarification des fournisseurs Internet. Une application concrète au Canada est la récente décision du CRTC relativement au service de musique illimité de Vidéotron : il est maintenant interdit à cette dernière d’offrir des données illimités à ses clients pour l’utilisation de certains sites comme Spotify.

Malgré que les règles demeureront pour le moment différentes au Canada, la décision du FCC aux États-Unis se fera nécessairement sentir au Canada, explique ce spécialiste, compte tenu qu’il n’existe pas de frontières sur Internet :

But even if Canadian rules stay the same, Thomas Kunz, a systems and computer engineering professor at Carleton University in Ottawa, said killing net neutrality in the U.S. could hurt web users in this country since many of the services they use are based in the U.S. and internet traffic often traverses the border to deliver content from servers.

Par ailleurs, tel que l’explique cet autre spécialiste, les frais additionnels que les sites Internet devront payer aux États-Unis se répercuteront probablement sur les factures des canadiens :

So if Netflix has to pay extra to make sure that it’s in internet fast lane in the U.S., they’re going to have to pass those fees onto their customers. And it’s really unlikely that the limit that to just their American customer base when they can diffuse it over a larger audience. So things like Spotify, Netflix or any of our favourite services and websites from the U.S. might get a bit more expensive.

Bien que la position du CRTC semblent vouloir demeurer inchangée, la pression sera forte sur le Canada compte tenu de ce changement de paradigme au États-Unis et des fortes interactions entre les deux pays. Peut-être s’agira-t-il d’un enjeu pour la prochaine campagne électorale?

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