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Démystifier ses droits à la frontière américaine : fouilles d’appareils électroniques

22 septembre 2017
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La joie de passer la frontière américaine…

Que ce soit en voiture, en train ou en avion, les douanes américaines sont pour certains un rituel anxiogène rien de moins. Ce très intimidant « Public Display of Power » des amis d’« Uncle Sam » ou ce léger flou quant aux protections du citoyen face aux fouilles, en particulier celles des appareils électroniques, rend la frontière une expérience en soit. Rares sont les canadiens qui n’ont pas une petite histoire anecdotique sur leur passage aux douanes.

Or, c’est maintenant officiel, les citoyens sont désormais mis en garde contre les fouilles d’appareils électroniques à la frontière américaine) . En effet, lors de sa comparution, le 18 septembre 2017, devant le Comité permanent de l’accès à l’information, de la protection des renseignements personnels et de l’éthique concernant la protection des renseignements personnels des Canadiens aux frontières, aéroports et aux États-Unis,  le Commissaire à la protection de la vie privée du Canada, M. Daniel Therrien, s’est dit inquiet du manque de protection des appareils électroniques contre les fouilles et son incidence sur la vie privée des Canadiens en voyage aux États-Unis.

Nouvel enjeu? Non, le Commissaire avait déjà fait mention de cette inquiétude, en mars dernier, dans une lettre adressée à certains ministres canadiens suite à l’entrée en vigueur, en janvier, du décret américain, restreignant les protections des données personnelles de sa loi, le Privacy Act, au citoyen américain exclusivement. À dire vrai, le décret présidentiel « Executive Order: Enhancing Public Safety in the Interior of the United States », datant du 25 janvier 2017, prévoit à son article 14 que:

« Agencies shall, to the extent consistent with applicable law, ensure that their privacy policies exclude persons who are not United States citizens or lawful permanent residents from the protections of the Privacy Act regarding personally identifiable information. »

En d’autres mots, les données personnelles des Canadiens ne sont pas vraiment protégées aux États-Unis. Ce que M. Therrien interprète comme permettant indirectement aux agents frontaliers d’« exiger des renseignements qui se trouvent sur [les] appareils sans aucun motif juridique».

Que peut faire le citoyen canadien face à cette fouille? Malheureusement, très peu. Autre que refuser et risquer de se faire saisir ses appareils et/ou rentrer à la maison, les options sont minces. C’est pratiquement consentir ou rentrer, c’est tout! Le phénomène n’est pas seulement concentré au Canada, il semble que les citoyens américains eux-mêmes soient astreints au même régime lorsqu’ils rentrent aux pays. En effet, L’Electronic Frontier Foundation, association américaine de protections des droits des citoyens, s’est même joint à une poursuite contre le gouvernement américain, en août dernier, réclamant que l’obtention de mandats de perquisitions soient obligatoire avant d’effectuer des fouilles d’appareils électroniques à la frontière.

En revanche, le contexte canadien n’est peut-être pas plus clair au niveau légal, mais est certes plus nuancé que la position américaine actuelle. En effet, la Charte Canadienne des droits et libertés et son article 8 permettent une certaine protection contre les fouilles dites abusives. (http://laws-lois.justice.gc.ca/fra/Const/page-15.html ).

De plus, au Canada, la fouille d’appareils électroniques est déjà reconnue, en cas d’arrestation ou de mandat de perquisition, comme étant particulièrement envahissante au niveau de la vie privée. En effet, selon les arrêts de la Cour Suprême du Canada, R c. Vu, 2013 CSC 60, par. 40 :

« Il est difficile d’imaginer une atteinte plus grave à la vie privée d’une personne que la fouille de son ordinateur personnel »

et R c. Fearon, 2014 CSC 77, par. 58 :

« […] la fouille d’un téléphone cellulaire est susceptible de constituer une atteinte à la vie privée beaucoup plus grave que la fouille normale accessoire à l’arrestation ».

Par contre, la Loi sur les douanes, comme le mentionne M. Therrien lors de son témoignage, ne prévoit pas expressément que les douaniers canadiens doivent avoir un motif légal tangible afin de procéder à une fouille d’un appareil électronique, tel qu’il appert de l’article 99(1) a) et c) de la Loi sur les douanes. Or, la tendance juridique en matière de fouilles d’appareils électroniques l’incite à avancer l’hypothèse suivante :

« Ainsi, même si le droit n’est pas bien établi, il m’apparaît clair que les tribunaux canadiens considéreraient que les fouilles sans motif valable sont inconstitutionnelles, mêmes si elles sont faites à la frontière.

L’idée que les appareils électroniques devraient être considérés comme de simples biens faisant l’objet de fouilles sans aucun motif juridique à la frontière est clairement dépassé et ne reflète pas les réalités de la technologie d’aujourd’hui. »

Affirmation logique, mais malheureusement pas encore clairement prévue dans la loi ou reconnue par les tribunaux. Chose certaine, une personne entrant au Canada a l’obligation d’ouvrir toutes « marchandises » qu’il fait entrer lorsque demandé par le douanier, selon l’article 13 de la Loi sur les douanes. 

Pour le moment, il est donc important de comprendre que le citoyen canadien se présentant à la frontière américaine pourra être soumis à une fouille de ses appareils électroniques et ce, potentiellement sans explication. Quant à la situation du citoyen canadien revenant au pays, il pourra aussi être sujet à une fouille de ses appareils, mais il aura probablement plus de chance d’entendre les motifs la justifiant.

Besoin d’un petit récapitulatif ? Disons seulement ceci : portez une attention particulière à ce que vous emportez d’électronique en voyage.

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