« Ferme toujours ta session et fais donc attention à ce que tu dis, même dans les conversations privées tes propos pourraient être ultérieurement repris ». Voilà, peut-être les premiers mots patriarcaux à inculquer à tout néo-utilisateur de réseau social. En effet, ne pas fermer sa connexion Facebook c’est s’exposer au risque d’usurpation d’identité, de plaisanteries ou encore de traitement des données personnelles. C’est important de se déconnecter : demandez donc à cet érudit.
D’un point de vue juridique, c’est tout aussi important de se déconnecter. Selon deux jugements distincts de la Cour du Québec et de la Cour supérieure du Québec, les tribunaux rendent recevable de présenter la preuve des communications provenant d’une boîte courriel d’une partie n’ayant pas pris les mesures nécessaires pour rendre inaccessible son accès. Il est à noter, pour qu’une telle preuve puisse être admise il faut que celle-ci soit pertinente au regard du litige et que son admissibilité ne déconsidère pas l’administration de la justice.
C’est ainsi que dès lors où une personne n’a pas pris ou ne prend pas les précautions nécessaires pour fermer sa connexion, celle-ci pourrait voir le contenu de ses échanges privés être admis en preuve dans le cadre d’un procès. En ce sens, une décision de la Cour du Québec rendue le 12 juillet 2017 énonce que la partie demanderesse a pu présenter le contenu des échanges privés tirés de Facebook de la partie défenderesse que par le fait de sa propre négligence.
En l’espèce, la partie demanderesse réclame au défendeur le remboursement des sommes prêtées lors de leur union passée. Cette dernière allègue qu’elle a prêté au défendeur à l’époque près de 15 000 $ et n’a pour preuve que
Bien que le défendeur s’oppose à la recevabilité de ces preuves en énonçant que leur obtention est illégale, le demandeur prétend que les conversations ont été tirées et obtenues légalement. En effet, lorsque le défendeur a rendu le laptop prêté par le demandeur, celui-ci a oublié de fermer sa connexion. C’est à ce moment que le demandeur a pu consulter la page Facebook du défendeur et présenter le contenu de la conversation entre le défendeur et sa mère. Ce n’est que par la négligence de la partie défenderesse que le demandeur a pu prendre connaissance de ces conversations et les présenter comme commencement de preuve par écrit selon l’article 2862 Code civil du Québec. [Voir également une décision intéressante sur le sujet : Hayes]
Mieux vaut prévenir que guérir, appliquer ce vieil adage à l’ère numérique impliquerait à faire attention au contenu des communications envoyées. Tant pour le destinataire que l’expéditeur du message, il serait important et utile de ne pas divulguer virtuellement des informations sur des sujets qui relèveraient de la confidentialité, du secret professionnel ou qui pourraient incriminer les parties prenantes à la conversation.
Dans une telle situation, celui qui omet de prendre les précautions nécessaires pour fermer sa connexion peut s’attendre à ce que l’expectative de sa vie privée soit « sensiblement réduite » [paragraphe 37]. Malgré l’expectative de vie privée d’une personne n’ayant pas pris les précautions nécessaires pour fermer sa connexion puisse être sensiblement réduite, quid de celle de l’expéditeur du message ?
Cette question a suscité dernièrement deux raisonnements juridiques distincts, d’une part la Cour d’appel de Colombie-Britannique met davantage l’accent sur le contenu des messages et, d’autre part, la Cour d’appel de l’Ontario met l’accent sur le critère de contrôle et d’analyse de risque. L’appel de la décision de la Cour d’appel de l’Ontario ne manquera pas aux juges de la Cour suprême du Canada de se prononcer et de clarifier l’état du droit sur l’expectative de vie privée auquel un expéditeur peut s’attendre. Nul doute que le raisonnement de la Cour suprême du Canada nous permettra de « comprendre les enjeux dans le domaine de l’expectative de vie privée et de messageries technologiques ».
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