L’époque où le boss venait demander des nouvelles sur la performance et/ou la santé de son employé va peut-être disparaître, car tout simplement il peut le savoir avant même que l’intéressé s’en rende compte et ce, non pas par magie, mais grâce aux « bracelet connecté». Une idée qui commence maintenant à se propager dans le monde du travail, particulièrement aux Pays-Bas.
L’histoire remonte au mois de mars où l’AutoriteitPersoonsgegevens l’équivalent de la CNIL en France – a décidé d’ouvrir une enquête contre BeBright – une sorte de cabinet de conseil pour innovation- et une autre firme qui resta anonyme. Ces dernières avaient offert aux employés « des bracelets connectés » dont la marque n’est pas encore révélée, mais dont la rumeur tourne autour de FITBAT.
Mais où se situe le mal envers une incitative d’offrir des bracelets connectés à ses employés ?
Le nombre de données collectées par ce genre de gadget est surprenant. Il mesure la santé physique -le nombre de pas, le rythme cardiaque et les habitudes de sommeil-, la santé mentale -l’humeur, le stresse et même la déprime-, ainsi que la géolocalisation du porteur. Aussi, il existe des modèles qui peuvent savoir si le porteur a assisté à une soirée– en permettant de capter automatiquement n’importe quelle musique dans tout type de soirée.P our y aller plus loin, il y a même ceux qui peuvent calmer le rythme cardiaque en cas de situation d’anxiété. Toutefois, le bracelet en lui-même n’est pas la source même des problèmes,il s’agit plutôt de l’accès aux données collectées et les fins pour lesquelles ces dernières sont utilisées.
Le but des deux entreprises étant d’avoir un accès aux données afin de comparer la productivité et la performance entre les employés et a ainsi incité l’Autoriteit Persoonsgegevens à réagir immédiatement,comme l’explique Wilbert Tomesen, vice-président de l’Autoriteit Persoonsgegevens.:
« Un employeur peut bien sûr offrir un cadeau tel qu’un bracelet connecté, mais il n’a pas le droit d’avoir accès aux données de santé des travailleurs même si l’employé l’autorise»
Une telle incitative, serait-elle aussi une ligne à ne pas franchir au Canada, plus précisément au Québec ?
Tout d’abord, il est nécessaire de préciser que selon la LPRPDE , un renseignement personnel est définit comme tout renseignement concernant un individu identifiable – dont les renseignements concernant la santé physique et mentale. Il est facile de constater que les bracelets connectés collectent des informations considérées selon la loi comme des renseignements personnels faisaient parties de la vie privée de l’employé.
La Charte des droits et libertés de la personne, à son article 5 prévoit le droit au respect de la vie privée et l’article 36 (4) du CCQ ainsi que l’article 43 de la LCCJTI quant à eux mentionnent clairement que c’est considéré comme atteinte à la vie privée la surveillance par quelques moyens que ce soit. De ce fait, l’employeur n’a pas le droit de surveiller l’employé en utilisant des bracelets connectés qui collectent des données à trait privé.
De plus, l’entreprise veut utiliser les bracelets connectés pour comparer la performance et la productivité entre les employés, ceux-ci représente une sorte de discrimination qui peut être liée à l’âge, sexe ou un handicap, ce qui n’est pas acceptable par rapport à l’article 10 de la même charte mentionnée ci-dessus :
« Toute personne a droit à la reconnaissance et à l’exercice, en pleine égalité, des droits et libertés de la personne, sans distinction, exclusion ou préférence fondée sur la race, la couleur, le sexe, la grossesse, l’orientation sexuelle, l’état civil, l’âge sauf dans la mesure prévue par la loi, la religion, les convictions politiques, la langue, l’origine ethnique ou nationale, la condition sociale, le handicap ou l’utilisation d’un moyen pour pallier ce handicap. »
Alors, un employé peut-il avancer, face à l’employeur, un droit à la vie privée lorsque celui-ci utilise des moyens pour traquer son comportement ?
En considèrent, l’article 35 de CCQ qui exige un consentement pour permettre la collecte des données personnelles d’autrui, si le salarié donne son consentement, l’employeur serait alors conforme à la loi. Néanmoins il est facile d’argumenter que l’employé n’est pas aussi libre que ça dans son choix de consentir ou non vu qu’il aurait peur d’être soupçonné de non-collaboration ou de vouloir cacher quelques choses…Ce qui l’amenerait à accepter malgré son mécontentement.
Et c’est d’ailleurs la conclusion de l’Autoriteit Persoonsgegevens, qui a déduit que le consentement, n’est pas valable car l’employé n’est pas libre de choix.
Mais, Y a-t-il des cas où l’employeur peut se voir le droit de surveiller ses employés par ce genre de gadget au gré de la loi ?
L’employeur pourrait justifier son acte grâce à l’article 46 de la Charte des droits et libertés de la personne qui exige des conditions de travail qui respectent la santé et la sécurité de l’employé tout comme l’article 2087 de la CCQ qui oblige lui aussi l’employeur à prendre des mesures de sécurité appropriées en vue de protéger la santé et la sécurité du salarié. Alors pour des raisons de sécurité, une entreprise pourraitt se voir le droit de traquer les employés, à fin de détecter les problèmes de santé physique et mentale, et ce, pour prendre des mesures telles que :
- Des congés pour des employés à risque de dépression en cas de charge de travail intense;
- Diminuer la charge de travail pour les personnes proches de la retraite dont les données collectées démontrent des problèmes cardiovasculaires, en proposant une réorientation professionnelle ou une retraite anticipée;
- Surveiller les travailleurs dans les domaines où leur vie peut être en danger, tel que ceux qui travaillent dans des industries dangereuses, traquer leur position ou leur condition physique se voit comme nécessité.
Les données collectées sur la santé pourraient aider à déceler un réel danger. L’entreprise peut même sous prétexte de se protéger contre les poursuites, se voir dans l’obligation d’utiliser ce genre de pratiques.
Finalement, on peut voir que le bracelet connecté pourrait agir comme agent préventif d’accident de travail, un peu comme le film Minority Report avec Tom Cruise, où il avait la possibilité de prédire un crime avant qu’il se passe.
En conclusion, il ne faut pas privilégier le respect à la vie privée à la vie elle-même. Il est vrai que la surveillance des données sur la santé n’est pas acceptable si on l’utilise pour discriminer les employés, mais s’il existe des raisons fondées et qui sont plus importantes que la vie privée que fait-on? Là reste la question…to be continued