Avec la récente annonce de la célèbre marque Tesla selon laquelle ses voitures électriques Tesla S se verront dotés de certaines fonctionnalités d’autopilotage par le biais d’une mise à jour du système d’exploitation, la question de la responsabilité des véhicules sans conducteur a ainsi refait surface dans l’actualité.
Pour les propriétaires du modèle S et pour la modique somme de 2 500,00 $ US, on compte parmi les nouvelles fonctionnalités de la mise à jour la possibilité de diriger automatiquement la voiture, adapter la vitesse, éviter les collisions et même repérer un espace de stationnement.
Une technologie en constante évolution
En effet, entre les premiers tests peu concluants des années 1980 et 1990, la commercialisation de la première automobile pouvant se stationner toute seule (Prius de Toyota) et les démonstrations impressionnantes de Google X, dont une automobile sans volant et sans pédales, ce secteur du développement technologique a connu un essor impressionnant au cours des dernières années.
Google X, le laboratoire secret de recherche de Google, travaille sur une automobile entièrement automatisée, ne nécessitant aucune intervention humaine. Par ailleurs, les recherches en innovation dépassent le cadre du véhicule autonome pour Google, où on vise davantage un système d’interconnectivité entre les véhicules intelligents, permettant notamment aux utilisateurs de faire appel au véhicule autonome à proximité.
Nous n’en sommes toutefois pas encore arrivés à un véhicule autonome parfaitement fonctionnel. Pour l’instant, les véhicules entièrement autonomes sont considérés aux États-Unis comme des véhicules de « classe 3 », lesquels nécessitent des immatriculations spéciales en Californie, au Nevada et dans le Michigan pour circuler. Les véhicules entièrement autonomes relèvent donc davantage du prototype que de l’objet présentement destiné à la commercialisation de masse.
Qu’est-ce qu’une voiture autonome?
L’OMPI définit le véhicule autonome comme un véhicule pouvant « se déplacer sans l’intervention et la surveillance continues d’un opérateur humain ».
Selon l’Administration américaine chargée de la sécurité routière sur les autoroutes, une voiture autonome peut comporter cinq degrés d’automatisation :
- Aucune automatisation – Le conducteur a la maîtrise complète du véhicule.
- Automatisation d’une fonction précise – Le conducteur dispose d’un dispositif d’aide à la conduite (système de contrôle électronique de la stabilité ou d’assistance au freinage).
- Automatisation de plusieurs fonctions combinées – deux fonctions se combinent dans certaines situations précises (par exemple un système de régulation adaptative de la vitesse et un dispositif de maintien au centre de la voie de circulation).
- Automatisation partielle de la conduite – Le conducteur peut déléguer une partie de la conduite dans certaines situations précises, des capteurs lui indiquant à quel moment il doit reprendre les commandes.
- Automatisation complète de la conduite – le véhicule est entièrement autonome et surveille les conditions de circulation sans aucune intervention humaine. Une personne indique la destination à atteindre puis délègue l’ensemble de la conduite du véhicule.
Aspects positifs de cette technologie
L’Organisation mondiale de la santé considérant que la cinquième cause de mortalité dans le monde d’ici 2030 sera la mauvaise conduite, une utilisation massive des véhicules autonomes pourrait, selon les estimations de Google, réduire de 90 % les accidents de la route. Sans oublier que cela pourrait mener à une baisse des cas de conduites en état d’ébriété ou en état de fatigue, réduisant ainsi les risques d’accident.
Et les risques?
Cette technologie, bien qu’elle comporte plusieurs avantages, n’est toutefois pas sans risque. En effet, selon l’OMPI, contrairement aux montres intelligentes et tablettes électroniques, il s’agit d’un des seuls objets connectés dont les enjeux juridiques se rattachent directement à une question de vie de ou de mort.La technologie n’est pas infaillible et malheureusment quatre des quarante-huit véhicules autonomes de Google de Californie ont été impliqués dans des accidents routiers depuis septembre 2014.
La question des véhicules autonomes emmène également un dilemme éthique important. Qui dit connecté et autonome implique une programmation. Comment alors programmer la réaction du véhicule devant une situation où l’ordinateur de la voiture devra choisir entre éviter de frapper un piéton et foncer dans un camion, tuant ainsi tous les passagers du véhicule, que se produira-t-il? De plus, il y a un toujours un risque que le système informatique de la voiture autonome soit piraté et qu’elle soit ensuite volée ou utilisée à des fins malicieuses.
LA question : qui sera responsable?
Ces risques soulèvent évidemment la question de la responsabilité en cas d’accident impliquant un véhicule autonome.
Au Québec, c’est le régime de l’indemnisation sans égard à la responsabilité (no fault) qui prévaut pour toute blessure corporelle subie lors d’un accident automobile. La responsabilité doit donc être établie pour les dommages matériels. L’article 84 de la Loi sur l’assurance automobile prévoit que
Le propriétaire de toute automobile circulant au Québec doit détenir, suivant la section II du présent chapitre, un contrat d’assurance de responsabilité garantissant l’indemnisation du préjudice matériel causé par cette automobile.
La Loi impose donc une obligation générale de souscrire à une police d’assurance responsabilité à tous les propriétaires de véhicules.
Afin de déterminer avec précision la responsabilité en cas d’accident de la route où personne n’est blessé, les assureurs utilisent la Convention d’indemnisation directe pour le règlement des sinistres automobiles de la Loi sur l’assurance automobile qui prévoit entre autres un Barème de responsabilité permettant d’établir, dans une multitude de situations, qui est la personne responsable de l’accident de la route, sauf en ce qui concerne la situation des véhicules autonomes.
L’article 108 de la Loi sur l’assurance automobile prévoit en outre une série de causes d’exonération de la responsabilité en cas d’accident de la route dont la preuve que
le préjudice a été causé par la faute de la victime, d’un tiers, ou par cas de force majeure autre que celui résultant de l’état ou du fonctionnement de l’automobile, du fait ou de l’état de santé du conducteur ou d’un passager
Ainsi, a priori, ceci exclurait donc l’invocation de la force majeure conséquente à un défaut du système du véhicule autonome. Toutefois, il pourrait peut-être être invoqué que ce défaut du système ayant causé l’accident pourrait être assimilé à la faute d’un tiers, soit celle du constructeur, qui serait alors tenu d’indemniser en cas d’accident.
Lors d’un séminaire portant sur les véhicules autonomes, le PDG de Volvo, M. Håkan Samuelsson, a affirmé qu’en cas d’accident impliquant l’une des voitures autonomes de la marque, la responsabilité du constructeur suédois serait engagée. La seule condition serait évidemment que le mode d’autopilotage soit effectivement activé au moment de l’accident.
Le législateur, la jurisprudence et les constructeurs automobiles auront encore un peu de temps pour répondre à toutes les questions que les véhicules autonomes entraînent. Si la généralisation des véhicules autonomes semble encore lointaine, elle est peut-être plus proche qu’on l’estime : le constructeur Nissan ayant récemment annoncé son vœu de commercialiser les premières voitures sans conducteur d’ici à 2020. Quoi qu’il en soit, cela devra nécessairement être accompagné d’un encadrement législatif approprié et adapté, répondant au flou juridique qui entoure présentement la question.