droitdu.net

Un site utilisant Plateforme OpenUM.ca

Plateformes d’avis de consommateurs : Attention à ce que vous dites !!!

Étudiant dans le cadre du cours DRT 6929-O
25 mars 2015
Commentaires
Permalien

Laurent Azoulay, un utilisateur de TripAdvisor, se retrouve dans une situation plutôt cocasse. Après avoir laissé un avis très défavorable à un hôtel de la région de Sainte Foy, à propos de puces de lit, ce même hôtel lui réclame désormais $95 000 de dommages et intérêts pour diffamation !

Seulement, dans ce genre de cas, l’hôtel a-t-il le droit de porter en justice un commentaire négatif ? Pour quel motif ?

En théorie, chaque personne est tenue de suivre les règles de conduites dictées par les circonstances ou la loi afin de ne pas porter de préjudice. D’après l’article 1457 du Code Civil du Québec, si une personne ne respecte pas ce devoir, elle sera tenue de réparer ce préjudice. TripAdvisor, au travers de ses conditions générales d’utilisation, se dégage ici des propos tenus par ses internautes en n’exerçant aucun choix éditorial des commentaires du site. Le site joue le rôle d’un simple administrateur lorsqu’un post lui est signalé.

Dans les faits, le droit canadien protège la critique et la liberté d’expression sur Internet, si et seulement si cette critique est fondée sur des faits avérés, qu’il n’y a pas recherche de profits du fait de celle-ci ou que les propos tenus sont injurieux, grossiers ou racistes. Les tribunaux ne condamneront que des circonstances graves ou dans le cas de propos grossiers comme dans les jurisprudences : Prud’homme c. Rawdon (Municipalité de), et Corriveau c. Canoe inc.

Dans le cas de Laurent Azoulay, l’hôtel l’attaque en diffamation sur la base des nombreux retours négatifs et des pertes pécuniaires du fait de son commentaire négatif. Toutefois dans les circonstances, les chances de l’hôtel d’avoir gain de cause sont très faible du au fait que le commentaire dont il est question semble avoir un motif valable (sécurité sanitaire), est d’utilité publique (partage d’expérience) et ne contient aucun propos injurieux ou grossiers. De plus, les faits reprochés à l’hôtel semblent être avérés : le client affirme posséder une vidéo prouvant qu’il y ait eu des puces de lit et que l’hôtel a fait constat de leur présence le jour même. Les remarques de Mr AZOULAY semblent donc légitimes et en aucun cas diffamantes.

La facilité d’intenter une action en diffamation, malgré les faibles chances de réussite, rend le fait de partager son avis risqué. N’est-ce pas le but de ses entreprises : menacer les internautes de poursuites pour faire baisser le nombre de commentaires négatifs ? Peut-être. Le cas de Mr AZOULAY nous rappelle quand même que les internautes peuvent  être tenus responsables de leurs propos publiés sur Internet. Liberté d’expression oui, diffamation non. Alors attention donc à ce que vous dites !

Mais qu’en est-il des plateformes d’avis qui sont le relai de ces propos ? TripAdvisor est-il également responsable dans ce cas ?

D’après l’article 22 de la Loi concernant le cadre juridique des technologies de l’information (LCCJTI), ces intermédiaires ne sont pas a priori responsables des activités accomplies par leurs utilisateurs et notamment des propos illicites qui pourraient avoir été publiés.  Ils seront responsables uniquement lorsqu’ils ont connaissance du caractère illicite du propos qui est sur leur site.

À partir de quand peut-on logiquement considérer que TripAdvisor pourrait être tenu responsable ? Comme il l’est clairement explicité dans les conditions d’utilisation de TripAdvisor, chacun est libre de poster sur le site et aucune révision ni contrôle des commentaires est effectué. Donc le site fonctionne sur une base de notification des propos illicites et de retrait de ceux-ci. Par conséquent, TripAdvisor n’a qu’une activité technique de modération sur leur site, aucune activité rédactionnelle ou choix éditoriaux ne sont effectués.

En conclusion, le seul moyen par lequel TripAdvisor et les sites du même type peuvent être mis en cause dans des actions en diffamation soit que ces mêmes sites exercent une action rédactionnelle plutôt qu’une simple activité technique afin de gérer le contenu publié sur leur site tel que démontré dans la jurisprudence Corriveau c. Canoe inc :

Si le contrôle n’est aucunement de nature rédactionnelle mais de nature technique ou s’il ne vise qu’à empêcher un groupe de discussion de déborder du thème auquel il est consacré, l’exploitant du site ne sera toutefois pas automatiquement considéré comme un éditeur puisqu’il n’exerce aucun pouvoir rédactionnel en soi; son contrôle ne joue pas directement sur le contenu diffusé.

Comme quoi trouver un véritable responsable de propos tenus sur le net peut être difficile, mais pas complètement impossible.

Sur le même sujet

Derniers tweets