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Référencement internet et télémarketing trompeur: « Allez en prison. Ne passez pas par la case départ ».

29 mai 2014
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Dans le contexte d’un marché toujours plus compétitif, s’assurer de la bonne visibilité de son entreprise (ainsi que des biens et services offerts) revêt une importance cruciale afin de pouvoir rejoindre les consommateurs potentiels et se démarquer de la concurrence.

À cette fin, les outils et supports de communication traditionnels ont été largement supplantés par le référencement sur internet, lequel constitue un levier devenu incontournable. Un référencement en ligne stratégique confère en effet une visibilité accrue, participant ainsi à la mise en valeur de l’entreprise en question.

Il est donc normal qu’on assiste à une prolifération d’offres de services de référencement en ligne visant des entreprises et il n’est pas rare que cela donne lieu à des pratiques illégales sanctionnées par les tribunaux, ce qui sera l’objet du présent billet.

Le Bureau de la concurrence, organisme responsable de l’administration et de l’application de la Loi sur la concurrence au Canada avait dans sa mire des personnes ayant alléguément participé à des activités de télémarketing trompeur liées à une opération de vente de répertoires d’entreprises en ligne à des milliers d’entreprises et d’organismes sans but lucratif au Canada et aux États-Unis. Une enquête du Bureau avait alors mené au dépôt d’accusations criminelles en date du  20 juillet 2012.

À la lecture combinée des paragraphes (1) et (3) de l’article 52.1 de la Loi sur la concurrence, le télémarketing trompeur peut se définir comme une indication fausse ou trompeuse sur un point important au cours d’une communication téléphonique aux fins de promouvoir la fourniture ou l’utilisation d’un produit ou d’un intérêt commercial. À noter que cet article 52.1 est une disposition criminelle.

Le Bureau de la concurrence peut suite à une telle enquête soumettre les infractions potentielles aux tribunaux, ce qui a conduit à la condamnation ce 27 mai 2014 de Richard Béliveau (ancien copropriétaire de Corporation Oxford-Data Inc. et de Sapphire Media) à 18 mois de prison, ce dernier ayant  plaidé coupable devant la Cour du Québec à huit chefs d’accusation de publicité trompeuse et de télémarketing trompeur.

la Loi sur la concurrence prévoit en effet à son article 52.1(9) que quiconque commet une telle infraction peut encourir, sur déclaration de culpabilité, par  mise  en  accusation,  un  emprisonnement  maximal  de  quatorze  ans (ainsi qu’une amende maximale de 200 000 $, ou l’une de ces peines).

Le stratagème mis en place en l’espèce consistait à inférer une relation commerciale préexistante (la tromperie naît du fait que l’expéditeur possède déjà les coordonnées et principales données d’identification pertinentes de l’entreprise) en prétextant donner suite à une demande d’inscription à un annuaire d’entreprises en ligne, amenant ainsi les entreprises victimes à payer pour une inscription au départ non sollicitée.

Pour ajouter au caractère trompeur de la pratique, il n’est pas rare dans de tels cas que les listings en question soient inexistants ou leur visibilité à tout le moins très restreinte.

Il est intéressant de souligner que bien que les accusations visaient aussi ses entreprises (nommément  Corporation Oxford-Data Inc. et Sapphire Media), la responsabilité individuelle de M. Béliveau a été recherchée par le Bureau de la concurrence, ce dernier ayant été condamné personnellement, en tant que personne physique.

Le paragraphe (8) de l’article 52.1 de la loi sur la concurrence prévoit en effet ce qui suit:

« En cas de perpétration par une personne morale d’une infraction au présent article, ceux de ses dirigeants ou administrateurs qui sont en mesure de diriger ou d’influencer les principes qu’elle suit relativement aux actes interdits par cet article sont considérés comme des coauteurs de  l’infraction  et  encourent  la  peine  prévue pour cette infraction, que la personne morale ait été  ou  non  poursuivie  ou  déclarée  coupable, sauf  si  le  dirigeant  ou  l’administrateur  établit qu’il a fait preuve de toute la diligence voulue pour empêcher la perpétration de l’infraction ».

Un tel principe fait écho à celui du soulèvement du voile corporatif prévu à l’article 317 du Code civil du Québec, permettant d’empêcher des personnes d’utiliser la personnalité juridique distincte d’une société pour dissimuler la fraude et permettant de rechercher ainsi la responsabilité de toute personne qui contrôle véritablement les actions de cette personne morale et l’utilise à des fins frauduleuses.

Face à des peines potentiellement très sévères, la prudence est donc de mise pour les entreprises exerçant des activités de publicité ou de marketing. Il peut être opportun de se doter d’un programme de conformité  établissant certaines lignes directrices à suivre et délimitant les contours des conduites acceptables.

Le Bureau de la concurrence facilite cette démarche en offrant des avis aux entreprises désireuses de vérifier si leurs pratiques commerciales ou plans projetés sont conformes à la Loi sur la concurrence.

La prudence est aussi de mise pour les entreprises désirant accroître leur visibilité sur internet et susceptibles d’être la cible de pratiques trompeuses. Le Bureau de la concurrence a mis en place un système de plainte électronique permettant de signaler d’éventuelles infractions à la Loi sur la concurrence.

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