À partir du 17 octobre prochain, méfiez-vous ! Le cannabis sera légalisé à des fins récréatives à travers le Canada, à la suite de l’adoption du projet de loi C-45 par le Sénat visant à réglementer l’usage de ce produit. Cette légalisation fait ressortir de nouveaux défis juridiques en ce qui concerne l’usage de la substance et son contrôle effectif aux fins d’assurer la sécurité pour tous. Tout adulte de 18 ans ou plus pourra consommer cette substance légalement, en quantité limitée, sous certaines réserves. Un des motifs de cette légalisation fut de garder le cannabis hors de la portée des mineurs comme mentionné par l’honorable Ralph Goodale, ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile :
« La Loi sur le cannabis contribuera à faire en sorte que nos enfants n’aient pas accès au cannabis […] ».
Cependant, pouvons-nous en être rassurés alors que ce produit pourra être procuré en ligne ? Est-ce que cela ne multipliera pas l’accès de cette drogue aux jeunes susceptibles de se la procurer ? Au Québec, c’est le projet de loi 157 qui encadrera sa vente et sa consommation. Bien qu’il soit prématuré de juger de son efficacité, le peu de dispositions sur la vente par « internet » nous laisse quasiment dans un vide juridique incertain et perturbant. Néanmoins, il reste que ceci n’est pas la dernière de nos inquiétudes. Ceux et celles ayant atteint l’âge légal pour consommer du cannabis pourront avoir une mauvaise surprise sur la route, même s’ils respectent la loi.
C’est probablement une des rares fois où la technologie est en retard sur la loi. Approuvé par Jody Wilson-Raybould, ministre fédérale de la Justice, le « Dräger DrugTest 5000 » permettra de dépister, à partir d’échantillons de salive en 10-15 minutes, la présence et la quantité de THC. Ceci est rendu légal suivant l’adoption par le parlement du projet de loi C-46 venant modifier les dispositions du Code criminel et de la sanction royale, sanctionné le 21 juin dernier. Ce projet de loi permettra aux autorités policières de se servir des appareils de détection de drogues, « approuvé [s] par le procureur général du Canada », tels que le Dräger DrugTest 5000 pour vérifier si la conduite des passagers est affaiblie par le cannabis. Il vient ainsi élargir le matériel disponible et le recours aux « appareils de détection approuvés » (ADA) pour déceler la présence de substances psychotropes en modifiant l’article 254.01 du Code criminel, mais le Dräger DrugTest 5000 est le seul à présent à être approuvé. Par contre, cet appareil est loin d’être aussi fiable qu’on le laisse présager et peut même « mener à du profilage »racial, dit Ulrich Gautier, avocat criminaliste, dans La Presse.
Fausses accusations et discrimination systémique ?
L’étude menée par La Presse dans le Journal of Analytical Toxicologydémontre que 14,5 % des échantillons de salives analysés par des policiers norvégiens étaient de « faux positifs ».
« The proportions of false positive results with DDT5000 compared to findings in blood samples above the Norwegian legal per se limits were for cannabis 14.5% […]. The DDT5000 did not absolutely correctly identify DUID offenders due to fairly large proportions of false-positive or false-negative results compared to drug concentrations in blood. ».
Certains avocats criminalistes pensent même contester la fiabilité du Dräger DrugTest 5000. Mike Boudreau, avocat criminaliste, annonce à La Presse que cet outil va
« nécessairement entraîner des arrestations et des détentions arbitraires ».
Cela dit, devons-nous remettre en question la constitutionnalité du projet de loi C-46 si celui-ci peut potentiellement enfreindre l’article 9 de la Charte canadienne, en plus d’autres droits garantis tels que prévus aux articles 7, 8 et 11 (d) de la Charte ? M. Boudreau pense que cette question risque de se rendre en Cour suprême. En effet, ce nouveau projet de loi, en vertu du paragraphe 254 (2) du Code criminel, permettra aux autorités policières de demander
« immédiatement l’échantillon d’une substance corporelle »
lorsqu’ils ont des « motifs raisonnables » de soupçonner qu’une personne conduit sous l’influence de la drogue. Considérant l’inefficacité du détecteur de cannabis durant une grande partie de l’année, à laquelle nous reviendrons plus tard, et sa marge d’erreur affichant des taux de « faux positifs » considérables, il ne serait pas surprenant que les déficiences technologiques heurtent nos droits les plus fondamentaux. Ceci est encore plus perturbant lorsqu’on considère que la présence du THC peut être détectée après 30 heuresdans le corps à la suite de la consommation du cannabis alors que les impacts de cette consommation ont un effet qu’entre deux à quatre heures et ils disparaissent généralement en moins de six heures. Habituellement, la présence prolongée du THC dans le corps, qui peut être décelé par des appareils de détection de drogues après une période excédant les 30 heures, est éprouvée par les fumeurs réguliers ou occasionnels de cannabis comme ressorti par l’étudede trois cas de fumeurs réguliers présentée à l’International Conference on Alcohol and Drugs Traffic Safety. Cela peut certainement nuire à ceux qui consomment cette drogue fréquemment en toute licéité puisque les effets de celle-ci se seront dissipés, alors que le cannabinoïde sera encore présent.
Un problème que fait ressortir le toxicologue Mohammed Ben Amar dans le journal La Presse est « qu’il n’y a pas de corrélation fiable entre la concentration de THC dans la salive et la concentration de THC dans le sang ». Nous pouvons néanmoins être rassurés par le fait que, s’il s’avère que le test ressort positif, un test sanguin sera alors inéluctableen vertu du paragraphe 254 (3,1) du Code criminel. Toutefois, cela donnerait la possibilité aux agents d’ordonner des échantillons sanguins même en l’absence d’« évaluation de reconnaissance des drogues (ERD) » et d’abuser de leur pouvoir. Mais encore, devons-nous rappeler la nouvelle du 7 mars dernier concernant Davids Mensahet la question du profilage racial touchant la SPVM ?
Météo
En ce qui est de son fonctionnement, le Dräger DrugTest 5000 peut opérer entre les températures allant de – 4 à 20 °C. Ceci risque fort d’être un inconvénient au Québec alors que le produit est inutilisable pour une longue partie de l’année.
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