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Le régime de la copie électronique dans le nouveau code civil français

11 octobre 2016
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Par l’ordonnance du 10 février 2016 entrée en vigueur ce premier octobre, le code civil français a fait l’objet d’une mise à jour d’une ampleur sans précédent. Cette réforme a, entre autres, engendré une modification importante de régime de la preuve électronique.

Avant la réforme, l’article 1316-1 ancien du code civil reconnaissait déjà la validité de l’écrit sous forme électronique. Ce dernier était admis au titre de preuve avec la même force qu’un écrit papier dès lors que la personne dont il émane était identifiable et que l’intégrité du document était garantie. Cette équivalence dans la dualité papier/électronique était cependant entachée d’un handicap majeur : une copie électronique d’un document ne faisait foi que lorsque l’original existait toujours et qu’il était susceptible d’être produit en preuve.

Face au caractère rigide de cette règle, la jurisprudence a pu avoir recours à une interprétation large de l’article 1348 al.2 ancien du code civil qui posait une exception au principe. Cependant, il ne s’agissait que d’un pis-aller aux conditions d’application floues qui était source d’hésitations jurisprudentielles. L’insécurité juridique entourant la question de la copie était d’autant plus importante du fait de l’absence de régime unifié entre les cas de coexistence d’une copie et d’un original et les cas où seule la copie subsistait. Comme le souligne le ministère de la justice :

Tenant compte de l’évolution des nouvelles technologies, l’ordonnance renforce le principe selon lequel une copie fiable, en particulier lorsqu’elle est réalisée sur support électronique, a la même force probante que l’original. La réforme inscrit ainsi pleinement le droit français dans l’ère numérique

L’article 1379 nouveau du code civil établit qu’une copie qualifiée de « fiable » aura la même force probante qu’un écrit original et ce peu importe la survivance ou non de ce dernier. Désormais, une partie ne pourra plus se voir contrainte de fournir une preuve papier lorsqu’elle aura numérisé au préalable le document en cause et qu’elle produit cette copie.

La jurisprudence s’était déjà montrée avant-gardiste en la matière, comme en témoigne une ordonnance de la cour d’appel de Paris de 2016 où le tribunal a considéré qu’une banque n’avait pas à produire un écrit original du fait qu’elle avait respecté les normes AFNOR qui imposent justement la destruction des contrats et leur copie numérique. Dorénavant, une telle décision n’aura pas à avoir recours à des normes techniques particulières pour se justifier mais pourra se fonder directement sur le code civil.

L’évaluation du critère de fiabilité d’une copie est laissée à l’appréciation du juge. Cependant, l’article 1379 introduit deux présomptions. La première postule de manière irréfragable le caractère fiable d’une copie exécutoire ou authentique d’un écrit lui-même authentique. On comprend que la qualité nécessaire de l’auteur d’une copie authentique, tel un notaire, justifie cette présomption.

La seconde présomption, qui ne vaut-elle que jusqu’à preuve du contraire, vise la fiabilité des autres types de copies. Selon le rapport relatif à l’ordonnance,   Celles –ci seront présumées fiables dès lors que deux critères sont cumulativement réunis. Il faut tout d’abord une reproduction à l’identique de la forme et du contenu de l’acte (critère de fidélité) et il faut ensuite que l’intégrité de la copie ait été garantie dans le temps (critère de durabilité) via une méthode établie par décret. Le décret en question n’a pas encore été adopté, ce qui est compréhensible vu le caractère récent de la réforme.

Cette modification du régime de la preuve aboutit, toujours selon le rapport relatif à l’ordonnance, à « achever de placer sur le même plan l’écrit sur support papier et l’écrit sur support électronique ». Sur la seule analyse de l’article 1379, on peut considérer que cet objectif est rempli. L’archivage électronique constitue un enjeu économique que le droit français ne pouvait plus ignorer de manière aussi criante.

Cependant, la réforme aurait pu être, sur plusieurs autres points, l’occasion de modifications bienvenues. A titre d’exemple, le nouvel article 1127-5 du code civil dispose qu’« une lettre recommandée relative à la conclusion ou à l’exécution d’un contrat peut être envoyée par courrier électronique ». Comme le souligne Gaëtan Guerlin, pourquoi avoir limité cette assimilation à la seule hypothèse de conclusion et de l’exécution d’un contrat ? Pourquoi un contribuable ne serait-il pas autorisé à utiliser un courrier recommandé électronique dans ses relations avec l’administration ? Certaines modernisations aurait été sources d’éclaircissement sur des questions souvent discutées devant les tribunaux en matière de transactions par voie électronique. Il convient cependant de ne pas jeter trop facilement la pierre au législateur, qui a tout de même produit une réforme balancée et novatrice sur de nombreux points du droit civil.

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