La compagnie américaine d’affichage extérieur Clear Channel (propriétaire de quelques milliers de super-panneaux publicitaires aux États-Unis) a formé un partenariat avec la compagnie AT&T afin de pouvoir traquer les piétons et conducteurs avec leurs téléphones intelligents comme indiqué par Sputnik News.
Cette initiative du géant de l’affichage américain permet à cette dernière d’effectuer de la surveillance par triangulation à l’insu du public, sans leur consentement bien sûr. Par la suite, la compagnie se servira de ces données sensibles afin de les vendre aux publicitaires intéressés sans en informer le public touché. Il est tout à fait légitime ici de voir un conflit éthique dans cette pratique dite « borderline ». Au sein de son contrat de cellulaire, l’utilisateur consent en effet à ce que certaines de ses informations soient utilisées à des fins publicitaires, mais la triangulation de données entre un panneau publicitaire et le réseau cellulaire d’un individu ne fait toutefois pas partie du consentement.
La FTC aux États-Unis ont déjà effectué des investigations sur des cas similaires auparavant alors s’intéresseront-ils au cas ci-présent? Ceci reste à voir bien sûr, mais la question qui nous intéresse ici est de savoir quel point le Québec est protégé au niveau légal contre des initiatives du genre sur son territoire.
Considérons tout d’abord l’article 5 de la Charte des droits et libertés de la personne pour le cas présent, on y stipule clairement que : « Toute personne a droit au respect de sa vie privée ». L’article 35 du Code civil du Québec nous indique aussi que : « Nulle atteinte ne peut être portée à la vie privée d’une personne sans que celle-ci y consente ou sans que la loi l’autorise ». Ces deux articles nous aident à définir les bases de la définition de vie privée au sein de la législation québécoise.
Il est ici important de comprendre que l’une des composantes majeures du concept de vie privée est celle des renseignements personnels. Selon l’article 2 de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé, un renseignement personnel est : « […] tout renseignement qui concerne une personne physique et permet de l’identifier. ». En suivant cette définition, nous pouvons aisément constater que même si le panneau de surveillance publicitaire ne recueille que l’âge moyen, le sexe ainsi que plusieurs données sociodémographiques sur les individus à proximité de ce dernier, il serait facile pour Clear Channel par exemple d’obtenir auprès d’AT&T des données précises permettant d’identifier de manière plus complète des individus.
Il est clair au sein de la même loi, au niveau des articles 6 et 13, que la récolte de données personnelles doit être effectuée « […] auprès de la personne concernée, à moins que celle-ci ne consente à la cueillette auprès de tiers. » et que
« Nul ne peut communiquer à un tiers les renseignements personnels contenus dans un dossier qu’il détient sur autrui ni les utiliser à des fins non pertinentes à l’objet du dossier, à moins que la personne concernée n’y consente ou que la présente loi ne le prévoie. ».
Ceci vient donc protéger en quelque sorte les consommateurs d’une vente de leurs renseignements personnels recueillis par un mécanisme similaire à celui de Clear Channel au Québec.
Bref, le Québec semble quand même bien nanti au niveau légal face à une telle menace concernant la surveillance, mais il reste tout de même qu’une réitération de la définition des renseignements personnels au sens de la loi éviterait de multiples malentendus. Cependant, une autre question fait surface suite à cet exercice de réflexion. À quel point est que la protection des renseignements cumulés par ces entreprises est sécurisée? Serait-il facile pour des « hackers » d’avoir accès à ces données sans trop de difficulté?