Les restaurants, magasins et centres d’achats sont tous équipés de caméras de surveillance qui épient les faits et gestes de tous dans le bu d’attraper des criminels en flagrant délit. Si cette technologie fut accueillie en grande pompe par les propriétaires de commerces de tout genre au détour des années 70, celles-ci semblent avoir oublier de prendre en compte un élément important : la vie privée.
Les technologies évoluant à un rythme effréné, certains risques associés avec la capture vidéo dans des lieux publics semblent avoir étés écartés et les gens semblent ignorer que les technologies vidéo sont à même de faire beaucoup plus qu’une simple capture de votre image.
Dans un article paru en mars 2016, Emilie Chung, présente une toute nouvelle technologie capable de déterminer le sexe, l’ethnicité et l’âge approximatif des consommateurs. Les nouveaux logiciels utilisent les bandes vidéo des commerces et parviennent même à déterminer si le consommateur sourie ou fait la grimace lorsqu’il se déplace devant un rayon particulier. Les logiciels peuvent, en outre, déterminer le temps passé devant divers affichages lors de leur visite dans des centres commerciaux. Cette technologie est si avancée qu’elle permettrait aussi d’associer une image avec un profil personnel du client, impliquant nécessairement une collecte et une sauvegarde de données. Or, Geoff White du Public Interest Advocacy Center soutient qu’un autre problème est celui de la discrimination qui pourrait être effectuée à partir de la création de bases de données.
Les nouveaux logiciels permettent d’amener dans le monde physique l’énorme potentiel de la publicité comportementale, normalement associée à l’internet. Si cette technologie permet d’accroitre les capacités marketing de certains commerces, notamment par la personnalisation de l’expérience client, elle est particulièrement intrusive et terrifiante.
Soulignant l’énorme capacité de ces logiciels, White se questionne à savoir « [how] aware the average Canadian is about the level of surveillance that may be happening ». En effet, cette implémentation peut être faite à l’insu des consommateurs puisqu’elle ne repose pas sur un système particulier de caméras.
Il s’agit d’une véritable intrusion de la vie privée, et ce à un niveau rarement égalé. Améliorer le rendement marketing d’un magasin ne devrait pas être fait au détriment de la vie privée de ses clients. La collecte de données à caractère personnel ne devrait en aucun cas être effectuée sans le consentement des clients.
Une réalité difficile à contrôler
À l’heure actuelle, la réalité est telle que la reconnaissance facile est non règlementée, si ce n’est qu’à travers l’application des lois en matière de protection des renseignements privés. Les entreprises et les organisations professionnelles soutiennent qu’elles ont le pouvoir discrétionnaire d’utiliser cette technologie comme elles le veulent bien. Aucune loi particulière n’a été mise en place afin d’encadrer l’utilisation de l’information extraite via ces logiciels. La prémisse selon laquelle un client consentirait à la capture vidéo dès son entrée dans le commerce ne semble toutefois pas suffire pour autoriser l’analyse logicielle telle que proposée ici.
« Under the law, stores are required to post signs outside their entrances that alert customers to the use of video surveillance, its purpose and a contact number so people can find out how they can obtain a copy of any footage that contains their image ».
Or, une étude publiée en 2012 révélait que la majorité des magasins à travers le Canada échouait à répondre à cette simple condition.
Dans le contexte canadien, est-ce que la surveillance vidéo est permise en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques (LPRPDE)?
L’article 4.3 de l’annexe I prévoit que :
Toute personne doit être informée de toute collecte, utilisation ou communication de renseignements personnels qui la concernent et y consentir, à moins qu’il ne soit pas approprié de le faire.
Le renseignement personnel au sens de la loi s’entend de « [tout] renseignement concernant un individu identifiable » et, à cet égard, le Commissariat à la protection de la vie privée du Canada a adopté la position selon laquelle la surveillance vidéo emportait la collection de renseignements personnel. Cette position emporte donc, sans nul doute, l’obligation d’obtenir un consentement.
L’article 5(3) prévoit en outre que « [l’organisation] ne peut recueillir, utiliser ou communiquer des renseignements personnels qu’à des fins qu’une personne raisonnable estimerait acceptables dans les circonstances » limitant dès lors la collecte à des renseignements jugés acceptables. Devrait-t-on estimer qu’une collecte de notre image privée, à des fins commerciales, est acceptable ?
Un autre problème semble faire surface ; la technologie permettant la reconnaissance faciale pourrait être couplée à des informations provenant d’internet, ce qui permettrait directement l’identification des consommateurs, et ce à partir des photos qu’ils auraient eux-mêmes mis en ligne. Des sites sociaux comme Facebook ont accès à une base de données de plusieurs milliards de photos. Or, comme Kelly Gates le rappelle « People have voluntarily uploaded millions of images, but for their own personal photo-sharing activities, not for Facebook to develop its facial recognition algorithms on a mass scale ». Le Commissariat à la protection de la vie privée du Canada, dans son rapport de 2013 sur la reconnaissance faciale, soulignait qu’une étude récente avait permis « [d’identifier] des individus dans le monde réel […] des inconnus et de trouver leurs renseignements personnels au moyen d’un logiciel de reconnaissance faciale et des profils affichés sur les médias sociaux ».
En terminant, rappelons que si la majorité des données collectées par les technologies actuelles reposent sur l’anonymisation de celles-ci, il en est tout à fait du contraire pour ce qui est des captures vidéo.