Résultats de l’enquête approfondie du Bureau de la concurrence sur les allégations de conduite anticoncurrentielle de Google
Le Bureau de la concurrence du gouvernement du Canada (ci-après le Bureau) a annoncé le 19 avril qu’il mettait fin à son enquête sur les allégations de conduite anticoncurrentielle par Google concernant la recherche en ligne, la publicité dans les moteurs de recherche ainsi que l’affichage publicitaire. Enquêté en 2013 par l’homologue américain du Bureau, le Federal Trade Commission, Google avait conclu un règlement avec ce dernier concernant des infractions similaires.
Suite à plusieurs plaintes reçues par le Bureau, celui-ci a procédé entre 2013 et 2016 à un examen approfondi « des allégations selon lesquelles Google a adopté une conduite visant à exclure ou à désavantager ses concurrents » ce qui irait à l’encontre de plusieurs dispositions de la Loi sur la concurrence, notamment l’article 78, qui énumère des agissements anticoncurrentiels.
Les Lignes directrices sur les dispositions sur l’abus de position dominante ainsi que la décision de la Cour d’appel fédérale Canada (Commissaire de la concurrence) c. Tuyauteries Canada ltée, (2006) CAF 233 affirment « qu’un agissement anticoncurrentiel est défini en fonction de son intention, et cette intention anticoncurrentielle requise est un effet négatif voulu sur un concurrent, qui doit être un comportement d’éviction, d’exclusion ou de mise au pas ». Les agissements anticoncurrentiels sont un des trois éléments de l’abus de position dominante qui est définie par le Bureau de la concurrence ainsi :
lorsqu’une entreprise dominante dans un marché, ou un groupe d’entreprises dominantes, adopte un comportement visant à éliminer ou à mettre au pas un concurrent ou encore à dissuader tout nouveau concurrent d’entrer dans le marché, avec pour effet d’empêcher ou de diminuer sensiblement la concurrence.
En rappelant que « les marchés de la recherche en ligne et de la publicité dans les moteurs de recherche sont essentiels à l’accès à l’économie numérique », le Bureau a tout de même conclu que la majorité des allégations étaient non fondées. Le Bureau de la concurrence a analysé principalement 6 pratiques alléguées pour la recherche et la publicité des moteurs de recherche sur le marché canadien :
- les restrictions à l’égard de l’API pour AdWords
- la manipulation des résultats de recherche
- le traitement préférentiel des services de Google
- les ententes de syndication
- les ententes de distribution
- les autres allégations
Le Bureau a analysé séparément l’affichage publicitaire en ligne sous 4 aspects soit
- les conditions d’utilisation d’AdX
- l’allocation dynamique améliorée
- le regroupement
- le contrôle de l’information
Grâce à son enquête exhaustive sur les restrictions à l’égard des interfaces de programmation applicative (API) pour AdWords, « le Bureau a conclu que Google a incorporé des clauses anticoncurrentielles dans les conditions d’utilisation » et que ces clauses anticoncurrentielles on exclut des concurrents et ont également pu nuire aux annonceurs. Le Bureau a analysé les allégations à l’effet que Google tentait de compliquer la programmation des entreprises qui souhaitaient afficher de la publicité dans des moteurs de recherche concurrents. Des preuves ont été présentées par les intervenants sur « leurs effets négatifs sur leurs activités et sur le marché en général ».
Le Bureau considère que les clauses de Google « visaient à exclure des rivaux alors qu’il ne semble y avoir aucune justification technique ». Google s’est engagé à retirer ces clauses et à ne pas en intégrer dans les contrats futurs conclus au Canada, et ce, pour une période de 5 ans. Le Bureau considère que le retrait de ces clauses sera positif, car il permettra « d’accroître l’affichage sur plusieurs moteurs de recherche et, par extension, la concurrence au chapitre de la publicité dans les moteurs de recherche ».
L’absence de preuve complète concernant les 9 autres aspects analysés par le Bureau l’ont amené à conclure dans son énoncé de position que «[l]e Bureau n’a pas trouvé de preuves suffisantes indiquant un empêchement ou une diminution sensible de la concurrence au sein du marché pour appuyer les autres allégations ». L’article 79 de la Loi sur la concurrence dispose des ordonnances d’interdiction et des pouvoirs du Bureau ci celui-ci avait conclu que Google a abusé de sa position dominante. Le Commissaire aurait pu tenter d’amener Google à se conformer volontairement aux lois applicables, faire enregistrer auprès du Tribunal « la solution qui rétablira la concurrence dans le marché », ou encore émettre une ordonnance de cesser les agissements qualifiés d’abus de position dominante. Le Bureau aurait pu assortir l’ordonnance de sanction administrative dont le montant pour une première offense peut se hisser jusqu’à 10 000 000$.
Alors que le Canada décide de mettre fin à l’enquête approfondie, la Commission européenne ouvre une procédure d’examen formelle, car elle considère que « […] l’entreprise a abusé de sa position dominante sur les marchés des services de recherche générale sur Internet dans l’Espace économique européen (EEE) en favorisant systématiquement son propre comparateur de prix dans ses pages de résultats de recherche générale ». Les sanctions de la Commission européenne sont beaucoup moins clémentes que celle du Bureau de la concurrence du Canada et elle peut « infliger une amende jusqu’à concurrence de 10 % du chiffre d’affaires total réalisé par l’entreprise au cours de l’exercice social précédent ».
Dans les conclusions de son enquête, le Bureau annonce qu’il continuera de près à suivre «les développements liés aux pratiques de Google, notamment les résultats d’enquêtes réalisées par nos homologues internationaux ». Ainsi, des plaintes subséquentes ou de nouveaux éléments de preuve pourront faire rouvrir l’enquête.