La Financière Manuvie, chef de file en matière de services financiers au Québec est sur le point de lancer son programme de bonification des primes d’assurances selon la bonne santé de l’individu. Le programme, en collaboration avec le groupe Vitality, vise en sorte à utiliser de l’information répertoriée chez le client pour baisser la prime d’assurance de ceux qui démontreraient un bon niveau de santé et des habitudes de vie saines. Pour ce faire, elle utilise un fitness tracker. Ces gadgets, qui ont connu une effervescence monstrueuse au fil des dernières années, permettent de mettre en informations concrètes et mesurables les efforts physiques d’une personne au courant de la journée. Venant souvent sous la forme de montre ou de bracelet, ces derniers peuvent par exemple suivre le nombre de pas marchés dans une journée, le nombre de calories brûlées, ou encore les variations du rythme cardiaque de l’individu. Selon le modèle, ils vont même jusqu’à être en mesure de géolocaliser l’individu et suivre ses habitudes de sommeil.
Comment ça fonctionne
Le processus d’utilisation du fitness tracker par Manuvie est simple. Le client passe un test en ligne pour décider de sa condition physique générale et du taux d’assurance applicable et est ensuite offert un mode « premium » où sa prime d’assurance se trouvera bonifiée à touste les fois qu’il démontrera qu’il suit des habitudes de vie saines (exercice, fréquence cardiaque au repos, taux de glucose sanguin, etc.). Plus la personne s’implique et partage son information avec Manuvie, plus elle peut être en mesure de profiter de rabais ou de primes sur son paiement d’assurance. Marianne Harisson, présidente de la compagnie, explique l’intention derrière le programme:
« The more engaged they [customers] are with the program and involved in living a healthier lifestyle, the more points they can accumulate to earn other rewards and discounts from leading retailers »
Les objectifs de la compagnie résident dans l’interactivité et l’avant garde:
« Manulife is moving away from being a traditional insurance company to one that actively partners with customers to help them achieve overall well-being, including physical and financial health »
Nouvelle tendance au Québec?
Un peu à la manière du service Ajusto pour automobile de Desjardins qui étudie le comportement de conduite des individus en vue de diminuer les primes d’assurance, Manuvie étudie et chiffre le bien-être des gens. Ce projet apporte son lot de polémique concernant la protection de la vie privée. En effet, des cas ont été répertoriés ou des utilisateurs ont facilement réussi à contourner la sécurité des trackers pour accéder à de l’information sur d’autres utilisateurs ou même à contrefaire leur propre résultat. De plus, bien que Manuvie se défend de n’avoir aucun recours ultérieur quant à l’utilisation de l’information répertoriée pour augmenter les primes d’un client si ce dernier s’avérait à démontrer une activité physique moindre que celle qu’il aurait inscrite sur son formulaire lors de la signature du contrat d’assurance, personne n’est en mesure de savoir ces propos vont être respectés dans le plus long terme.
Big Brother vous regarde
Grâce à ce programme, Manuvie et Vitaly contribuent à la construction d’une base de données énorme sur les caractéristiques personnelles et propres à chaque individu. La géolocalisation et l’analyse des phases de sommeil sont deux facteurs qui à eux seuls permettent de monitorer l’ensemble des déplacements d’un individu ainsi que ses moments de sommeil. Si le fait que votre compagnie d’assurance puisse être tenue au courant de vos déplacements et de vos heures de sommeil mieux que le père Noël ne vous fait pas peur, alors je ne sais pas quoi ajouter de plus!
La Loi sur la Protection des Renseignements personnels dans le Secteur privé (LPRPDE) oblige les compagnies à obtenir le consentement exprès d’une personne avant de recueillir, d’utiliser ou de communiquer des renseignements personnels la concernant. De plus, ces dernières sont dans l’obligation d’utiliser ces renseignements seulement aux fins pour lesquelles ils ont été recueillis. Cependant, l’information jugée incriminante selon la loi peut être demandée par un tribunal dans le cadre d’un procès selon l’article 8(2).
D’un point de vue légal, la compagnie d’assurance ne pourrait être en mesurer de forcer un client à utiliser un tracker dans le cadre d’une période de suivie ou pour valider une information jugée suspecte par la compagnie d’assurance (par exemple pour valider qu’un client ne fume pas ou encore qu’il ne mange pas de sucreries après l’heure du dodo). Cependant, selon l’article 18 de la LPRPDE, les tribunaux pourraient faire une requête formelle envers la compagnie détentrice de l’information (dans ce cas, Vitality) pour que ceux-ci publient l’information dans le cadre où l’information pourrait être utilisée comme preuve dans un procès. Cette situation est déjà une réalité au Canada comme le démontre un article publié dans le journal The Guardian ou une femme voit son historique d’activité enregistré par son fitbit étudié dans le but de déterminer si oui ou non son niveau d’activité physique a diminué après une blessure au corps. Bien que dans ce cas, la femme ait consenti à dévoiler son historique fitbit délibérément, il est facile d’estimer que cette information pourrait être dévoilée contre le gré de la personne dans le cadre d’un procès plus sérieux. De plus, les implications en deviennent d’autant plus sérieuses quand on prend en considération le laxisme en matière de sécurité et d’accessibilité des données. En effet, les trackers enregistrent absolument tout sur la personne et contribuent à développer un profil individuel des plus complets ce qui tend à faire de ces des cibles de choix pour les pirates informatiques qui peuvent ensuite revendre ces informations sur le marché noir.
En conclusion
La possibilité de sauver quelques dollars grâce à une police d’assurance personnalisée ne vient pas à petit prix. Il faut prendre en considération les façons dont nos informations personnelles peuvent être utilisés et les risques qui en incombent. Bien que les lois en vigueur au Québec opposent les compagnies à collecter de l’information personnelle ou à distribuer cette dernière à d’autres parties sans consentement préalable, il y a toujours le risque de la faille de sécurité. De plus, il est important de prendre en considération que bien que l’enregistrement de renseignements privés soit une méthode de collecte de donnée nécessitant un accord clair de la personne visée, ce consentement peut tout de même être négligé et approuvé beaucoup trop rapidement par l’utilisateur ayant tendance à tout approuver et ne jamais rien lire. Vous reconnaissez-vous?