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Les Stingrays, l’outil de surveillance à la James Bond

Étudiante dans le cadre du cours DRT-6929O.
23 février 2016
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Les cell-site simulators (IMSI) appelés “Stingrays” sont des appareils de surveillance hautement sophistiqués. En mode actif, ces appareils peuvent émuler les pylônes de téléphonie cellulaire forçant ainsi tous les appareils cellulaires en périphérie à se connecter à lui. En plus de permettre de localiser l’emplacement du cellulaire, les Stingrays sont en mesure d’intercepter notamment les conversations téléphoniques et conversations SMS, collecter les numéros de téléphone, les SMS, et autres données mobiles et ce sans distinction.

Jusqu’à maintenant utilisés par les agences secrètes fédérales et par l’armée, selon le New York Civil Liberties Union (NYCLU), le département de police de l’état de New York aurait utilisé ces appareils plus de 1016 fois entre mai 2008 et 2015 et ce, sans mandat et il ne s’agirait pas d’un cas d’espèce…

Plusieurs décisions ont été rendues concernant l’usage par les forces de l’ordre des Stingrays, dont, US v. Rigmaiden, ainsi qu’une autre datant 2012, où un juge du Texas aurait rejeté une requête permettant l’usage de Stingrays sans l’obtention préalable d’un mandat. Le juge de cette affaire, s’est même questionné à savoir si les cours de justice sont au fait des techniques, stratèges et des nouvelles technologies utilisées par la police lors de leur enquête.

L’usage de cet appareil qui se fait couramment chez nos voisins du sud suscite de vives réactions de toute part. En effet, les questions constitutionnelles soulevées ainsi que la violation des droits des citoyens inquiètent beaucoup. L’American Civil Liberties Union (ACLU) a pris une position ferme sur cette question rejetant l’usage de ces appareils en contravention avec le Federal Communication Act et en violation du 4e amendement de la constitution américaine :

“The government is hiding information about new surveillance technology not only from the public, but even from the courts,” ACLU Staff Attorney Linda Lye wrote. “By keeping courts in the dark about new technologies, the government is essentially seeking to write its own search warrants. That’s not how the Constitution works.”

Au Canada, certains corps policiers, dont la GRC, la police provinciale ontarienne et le département de police de Vancouver, n’ont pas voulu se prononcer sur l’usage de la technologie IMSI, stipulant que la réponse pourrait compromettre des enquêtes en cours comme en témoigne un récent article du journal ontarien the Star et un article de la CBC :

“The RCMP does not generally provide information on techniques or technologies used in criminal investigations. Investigative tools are ultimately assessed and tested by the courts.”

Bien que dans certains contextes précis, l’utilisation de cette technologie puisse servir une fin légitime, il n’en reste pas moins que les questions concernant le droit à la vie privée et la Charte canadienne des droit et libertés se posent puisque l’appareil ne fait pas de discrimination dans les données collectées, qu’elles proviennent d’un suspect sous enquête ou de simple citoyen.

En ce sens, il ne serait pas faux de penser qu’un mandat serait préalablement requis pour l’usage de Stingrays et ce conformément à l’art. 487.01 du C.cr afin de ne pas être en violation de l’art. 8 de la Charte canadienne des droits et libertés protégeant les individus contre les fouilles, les perquisitions ou les saisies abusives. Dans le cas contraire, le fait pour les autorités de recueillir des données personnelles provenant de cellulaires sans le consentement de ces individus constituerait une « saisie » au sens de la Charte et porterait atteinte à l’attente raisonnable en matière de vie privée.

Par ailleurs, si l’on se fie par extrapolation aux enseignements de la Cour Suprême dans l’affaire Spencer qui traitait des données concernant les habitudes de navigation des internautes, un mandat est requis en tout temps sauf s’il y a présence de circonstances contraignantes, si une loi autorise l’accès aux renseignements personnels et si les renseignements demandés sont exempts d’attente raisonnable en matière de vie privée. Il serait juste de penser que de par la nature sensible des informations que peuvent recueillir les Stingrays, un mandat sera alors nécessaire.

À ce jour, la situation des Stingrays au Canada est nébuleuse, seul demeure les préceptes posés par les tribunaux américains qui pourront probablement servir de jalons dans l’appréciation et l’étude de ces nouveaux appareils par nos tribunaux. Une chose est sûre, cette question devra être adressée rapidement, car la légitimité de cet appareil est remise en question et son utilisation peut vite laisser place à un dérapage permettant la violation de nos droits fondamentaux.

 

 

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