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La sécurité contrôlée par un système de caméras intelligentes : y a-t-il un risque d’atteinte à la vie privée ?

Étudiante dans le cadre du cours DRT6929-O.
16 février 2016
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Des chercheurs du Laboratoire Électronique, Informatique et Image, Le2i, de l’Université de Bourgogne, affirment avoir « donné des yeux » à un système informatique, en développant un réseau de caméras intelligentes et communicantes. Il s’agit d’un système de caméras avec un « cerveau artificiel » qui permet de détecter des situations anormales, contraignantes pour la sécurité des occupants d’un bâtiment. Selon M. Nicolle, de l’Agence France-Presse, le laboratoire Le2i a signé « dix-sept accords de confidentialité » avec des entreprises en 2015.

Ce nouveau type de système de surveillance, utilisant l’intelligence artificielle, est le résultat d’une évolution technologique qui ne cessera de s’améliorer et de se populariser dans les années à venir. Le plus fascinant est non seulement de pouvoir obtenir des images numériques de bonne qualité, mais aussi une proposition de solutions d’intervention provenant d’une machine! Par exemple, après avoir saisi les images filmées, le système d’analyse informatique peut émettre des communications par voie de panneaux d’affichage numériques ou par une application pour téléphone intelligent. Lors d’un incendie ou d’une alerte d’urgence, les occupants d’une bâtisse peuvent être ainsi informés du meilleur chemin d’évacuation à prendre. Ce système peut aussi être utilisé dans les résidences pour personnes âgées et permettre aux préposés d’intervenir plus rapidement lors d’une chute d’un résident.

La volonté d’utilisation de ce système, pour des fins sécuritaires, peut être adoptée par bien des domaines d’activité, mais contrevient-elle au respect de la vie privée des personnes se trouvant sur les lieux filmés? Depuis leur existence, les caméras de surveillance ne font pas l’unanimité quant à l’acceptation de leur utilisation. La captation d’images de personnes, dans un lieu accessible au public ou dans lequel travaillent des salariés, met en cause le droit au respect de la vie privée des personnes qui circulent dans ces espaces. Au Québec, le droit à la vie privée est protégé notamment par la Charte des droits et libertés de la personne. L’article 5 précise que le respect de la vie privée doit être considéré pour toute personne, alors que l’article 46 fait référence aux conditions « justes et raisonnables » à respecter en milieu de travail.

À titre d’exemple, en 2010, la décision d’une cause portée devant un tribunal d’arbitrage, par le syndicat Métallurgistes unis d’Amérique contre Fabrimet inc., a démontré dans quel contexte l’utilisation des caméras de surveillance peut être considérée ou au contraire être non « raisonnable ». Suite à l’installation de deux nouvelles caméras, à l’intérieur de l’usine, des employés visés se sentaient lésés et ont exprimé leur inquiétude à l’égard de cette surveillance continue. Puisque les justifications de l’employeur n’étaient pas suffisamment sérieuses, pour nécessiter la surveillance permanente d’un groupe de salariés à l’intérieur de son usine, la cour a ordonné le retrait de ces caméras.

Nous ne pouvons ignorer que les risques de violation de la vie privée sont aussi reliés aux données fournies par les bandes enregistrées et conservées dans les systèmes informatiques. Selon ces considérations, le Commissariat à la protection de la vie privée du Canada recommande des lignes directrices pour les appareils non dissimulés dans le secteur privé. Avant tout, il faut sensibiliser les opérateurs de caméra à l’obligation de protéger la vie privée des gens. Le public doit aussi être informé de la surveillance vidéo qui est effectuée. L’entreposage des images enregistrées doit se faire dans un lieu sûr, avec un accès restreint, et ces images doivent être détruites lorsqu’elles n’ont plus d’utilité opérationnelle. L’article 10 de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé indique aussi l’importance de prendre des mesures de sécurité permettant la protection des renseignements personnels.

L’atteinte à la réputation et à l’intégrité d’une personne peuvent occasionner des conséquences graves, telles qu’une perte d’emploi. Ces formes d’atteinte à la vie privée sont, entre autres, protégées par les articles 3, 35 et 36 du Code civil du Québec. La protection de la vie privée des gens, figurant sur les vidéos, peut donc devenir un défi pour les entreprises qui utilisent un système de caméras de surveillance. Une mauvaise utilisation des données enregistrées pourrait contrevenir à la préservation de leur confidentialité. Même si le système est configuré pour enregistrer des éléments essentiels à la sécurité, cela peut s’avérer difficile de contrôler les images et surtout, les préserver contre des intentions malhonnêtes. Tout système informatique nécessite une manipulation humaine des données et ce système avec caméras sophistiquées n’en fait pas abstraction.

Seul l’avenir pourra déterminer si le système innovateur d’analyse d’images, développé par les chercheurs de Le2i, optimisera les services de surveillance et d’alerte automatisés tout en respectant le droit à la vie privée.

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