Certaines industries considèrent les drones comme un outil indispensable pour le travail, la recherche ou le commerce. Pour d’autres un jouet à la mode très amusant, inoffensif, sans risque ni même responsabilité.
L’industrie des drones connait une évolution accélérée depuis plusieurs années, notamment les deux dernières années. Selon l’administration fédérale de l’aviation des Etats-Unis, l’année passé, presqu’un million de personnes pourraient avoir reçu un drone comme un cadeau de noël en Amérique du Nord. Pour le ministre des Transports, Marc Garneau, il pourrait y avoir des dizaines de milliers de drones offerts au Canada seulement. Parrot, distribué chez Target, AT&T, Apple, Sprint, et Best Buy, a eu une augmentation des ventes de 85% au dernier trimestre de 2015 par rapport à l’année précédente.
Les bénéfices liés aux usages des drones en matière de recherche dans les domaines de l’agriculture, la construction, la cinématographie, la météorologie, l’investigation policière ou militaire sont incontestables. Au Canada, le nombre d’écoles qui offrent des cours pour apprendre à piloter les « Unmanned Aerial Vehicle » (UAV) et d’institutions dédiées à la recherche ou à des fins commerciales augmentent de façon importante. En 2014, le Ministère de Transport canadien a délivré 1672 permis « Special flight Operations certificate » (« SFOC ») pour piloter les (« UAVs » ou « drones ») de 25 kilogrammes ou plus; 945 permis en 2013 et 345 permis en 2012.
L’accès à cette technologie à des prix à partir de $100, est un facteur qui contribue à la croissance exponentielle des amateurs des drones surtout à des fins récréatives. Cependant, cette popularité inquiètent présentement le Ministère de Transport au Canada et le Commissariat à la protection de la vie privée au Canada quant quant aux aspects de sécurité et de protection de la vie privée.
Selon un rapport du Système de compte rendu quotidien des événements de l’Aviation Civile – (SCRQEAC), entre 2014 et 2015, 100 accidents ont eu lieu. En 2014, selon Transport Canada, le Québec a été la province avec le plus d’amendes imposées (12) à cause des vols illégaux des drones récréatifs ainsi que d’accidents. Cette année à Calgary, un homme qui a fait voler son drone près de l’aéroport a été accusé en vertu du Code Criminel pour avoir interféré avec la navigation et mis en danger la sécurité des avions. De même, à Belleville, Ont., une voiture à été impactée par un drone récréatif causant des dégâts de $1000 sans toutefois blesser des personnes.
Sur ces question, il faut rappeler que l’article 180 du Code criminel du Canada relatif à la nuisance publique dispose que :
« (1) Est coupable d’un acte criminel et passible d’un emprisonnement maximal de deux ans quiconque commet une nuisance publique, et par là, selon le cas :
- a) met en danger la vie, la sécurité ou la santé du public ;
- b) cause une lésion physique à quelqu’un.
(2) Pour l’application du présent article, commet une nuisance publique quiconque accomplit un acte illégal ou omet d’accomplir une obligation légale, et par là, selon le cas :
-
a) met en danger la vie, la sécurité, la santé, la propriété ou le confort du public;
-
b) nuit au public dans l’exercice ou la jouissance d’un droit commun à tous les sujets de Sa Majesté au Canada.
Toutefois la prolifération des drones préoccupe non seulement au niveau de la sécurité mais est aussi hautement en lien avec les questions la vie privée. Il y a des gens qui enfreignent la loi par la méconnaissance de celle-ci, particulièrement celles concernant les normes d’utilisation des drones à des fins récréatives et les limites en matière de vie privée. Ainsi, les organismes, les instituts de recherche et les compagnies bien souvent ne connaissent pas la réglementation d’utilisation des drones pour le travail ou la recherche.
Imaginez ce qui se passerait si vous marchiez nu chez-vous ou si vous décidiez de prendre du soleil dans votre cour arrière et soudainement découvrir que vous êtes observé ou enregistré par un drone … Aux États-Unis, une femme qui apparemment avait été espionné par sa fenêtre par son voisin, a publié sur son compte Twitter :
«My neighbor just flew a drone to my window and was recording me. I have never talked to him in my life ».
Dans l’État du Kentucky, un homme a été poursuivi pour avoir tiré contre un drone qui volait au-dessus de sa propriété privée. À Vancouver en 2014, M. Conner Galway à déclaré sur son compte Twitter après avoir été observé par un drone dans son condo au 36e étage : « le future est effrayant ». Ces événements sont clairement des cas de violation de la vie privée, sans compter qu’il peut s’agir de voyeurisme selon l’article 162 du Code Criminel canadien.
Le Code Civile du Québec, défend le droit à la vie privée à son article 35 : « Toute personne a droit au respect de sa réputation et de sa vie privée ». Ainsi, l’article 36 définie les actes considérés comme des atteintes à la vie privée:
« […] 1° Pénétrer chez elle ou y prendre quoi que ce soit ;
[…]
3° Capter ou utiliser son image ou sa voix lorsqu’elle se trouve dans des lieux privés ;
4° Surveiller sa vie privée par quelque moyen que ce soit ;
[…] »
Notons que l’utilisation d’un drone pour espionner ses voisins enfreint clairement le Code civil. Le commissariat à la protection à la vie privée du Canada a manifesté dans une communication écrite envoyée le 27 août 2015 à Transports Canada, sa préoccupation sur certains aspects à considérer par rapport aux drones, notamment, « en raison de la collecte ou de la transmission de données ». Il y mentionnait l’importance de faire respecter les « lois sur la protection des renseignements personnels, le Code Criminel en lien avec la collecte de données personnelles, les données d’identité, la surveillance vidéo secrète, les interdictions relatives au voyeurisme et l’interception des communications privées ». Transports Canada pour sa part, dans son bulletin d’aviation sur les nouvelles régulations, émis le 20 janvier 2016, a exprimé son intérêt à travailler en étroite collaboration afin d’assurer la correcte règlementation appropriée.
En 2012, le congrès des États-Unis a règlementé l’usage des drones non militaire et pourrait bientôt règlementer l’utilisation des drones à des fines récréatives, notamment pour les aspects sur la protection de la vie privée. Les compagnies privées comme Amazon et Google, sont hautement intéressées à légaliser l’activité afin de développer ses plans commerciaux. Le service Amazon Prime Air, promet de livrer des colis de 25 kilogrammes ou moins en un peu moins de 30 minutes. Au Canada, les manufacturiers des drones considèrent que le pays est en retard en matière de législation.
Le ministre de Transport, M. Marc Garneau, a annoncé au cours des dernières semaines que la règlementation tant pour les drones de recherche ou commerciale que pour ceux qui sont utilisés à des fins récréatives, devrait être prête d’ici environ un an. Il ne reste plus qu’à espérer que cela soit vrai.