droitdu.net

Un site utilisant Plateforme OpenUM.ca

Entre gros bon sens et fausses évaluations en ligne : le problème du contenu généré par les utilisateurs

24 décembre 2015
Commentaires
Permalien

Que ce soit lors de l’achat d’un bien en ligne, ou encore de la recherche du parfait petit restaurant italien, internet met à notre disposition une panoplie d’outils pour dénicher la perle rare. Au cœur de ce système de consommation, on y retrouve de plus en plus les sites d’évaluation en ligne. Ces sites, comme Yelp par exemple, offrent des plateformes aux utilisateurs pour que ceux-ci évaluent le service qu’ils ont reçu dans différentes entreprises allant du cabinet de dentiste au restaurant de quartier. Les utilisateurs ont alors l’occasion de se transformer en critiques, mais cette pratique s’attire de plus en plus de détracteurs. Est-ce que tous les avis inscrits en ligne sont véritables? Non, et même Yelp est prêt à l’admettre.

Alors que plusieurs tentent de judiciariser cette situation, un juge d’une cour fédérale aux États-Unis a finalement mis fin à une de ces poursuites, une nouvelle victoire pour Yelp.

Dans cette affaire particulière (Curry v. Yelp, décision du 24 novembre 2015), les actionnaires allégeaient que Yelp aurait fait des déclarations mensongères lorsqu’il annonce que les avis publiés sur son site internet sont authentiques. La poursuite ayant été entamée en vertu du Securities Exchange Act of 1934 le juge souligna que pour que la plainte puisse être retenue, il était nécessaire que la déclaration soit (1) fausse ou trompeuse et (2) matérielle. Malgré tout, le juge considéra que Yelp n’avait pas fait de déclaration matériellement fausse au sujet de l’authenticité des avis publiés sur son site. Le juge n’ayant pas été convaincu par les allégations souligna d’ailleurs que :

« Those acknowledgements, along with a common-sense understanding of what it means for a website to host user-generated content, demonstrates that no reasonable investor could have understood […] that all Yelp reviews were authentic. »

En plus de ces allégations, les demandeurs accusaient Yelp de manipuler les évaluations afin de favoriser certaines entreprises qui publicisaient leurs services sur sa plateforme. Pour soutenir cette affirmation, les demandeurs soulevèrent qu’un peu plus de 2000 plaintes avaient été enregistrées auprès du Federal Trade Commission (principalement de la part de commerçants qui soutenaient avoir reçus des évaluations injustes ou frauduleuses, suite à leur refus de se publiciser sur le site internet). Certaines d’entre elles allant jusqu’à accuser Yelp de tentative d’extorsion. Or, après étude, la FTC n’a pas donné suite aux plaintes et aucune accusation n’a été portée à l’endroit de Yelp. Le juge ne donnera pas non plus suite aux accusations de manipulation.

Malgré tout, il ne s’agit là ni de la première, ni de la dernière poursuite à l’endroit de Yelp et des autres systèmes d’évaluations. Yelp avait déjà été poursuivi en 2013 relativement à son système de filtrage. La poursuite avait été qualifiée de SLAPP (Strategic Lawsuits Against Public Participation) et rejetée par le tribunal. D’autres sites internet comme Angie’s List ont également fait face à la justice concernant des allégations de fraude dans un système de « pay-to-play » où il est possible pour un commerçant ou une entreprise de payer afin de faire retirer des commentaires négatifs.

Aux États-Unis le risque d’être poursuivi pour avoir fait un commentaire négatif est également présent. Les techniques pour faire cesser les commentaires négatifs allant de la revendication à l’effet de quoi les avis contiennent de fausses allégations à la menace de poursuite en diffamation. Pour pallier à cette situation, le Senate Commerce Committee a récemment approuvé une nouvelle loi la « Consumer Review Freedom Act ». Cette loi doit tout de même être approuvée par le Sénat américain, mais essentiellement :

« [the] Act makes anti-review clauses both void and unlawful. Void means that no court will enforce them, and unlawful means that it’s illegal for businesses to include an anti-review clause in its form, even if the business never plans to enforce it »

Plus tôt cette année, Amazon est récemment parti en guerre contre plus de mille « vendeurs d’avis ». En effet, devant la popularité des évaluations en ligne, certaines entreprises se sont lancées dans le commerce d’avis. Ces vendeurs offrent des services de rédaction d’avis 5 étoiles sur les différents produits vendus sur la plateforme. Cette pratique est contraire aux termes d’utilisation d’Amazon et viole indéniablement la Washington’s Consumer Protection Act.

En tout état de cause, le problème ne pourra être réglé de si tôt. Les sites au contenu généré par utilisateurs sont de plus en plus répandus et ne cesserons de croitre. Des consommateurs auront donc de nouvelles plateformes où ils pourront s’exprimer librement, parfois de manière trompeuse, parfois de manière négative et également de manière tout à fait positive. Bien que les entreprises ne voient pas toujours d’un bon œil ces différentes plateformes, il semble qu’il importe d’analyser la situation au regard du consommateur qui pourrait être victime d’un système finement élaboré dans le but de tromper ou de bâillonner. À voir maintenant si la justice saura se donner les moyens de protéger les consommateurs.

Sur le même sujet

Derniers tweets