Le 17 septembre dernier, la Commodity Futures Trading Commission (CFTC) des États-Unis rendait sa décision visant Coinflip, une plateforme de négociation de Bitcoin, et ordonnait à celle-ci de cesser toute opération. La décision confirma du même coup le statut de marchandise (commodity) du Bitcoin et des autres monnaies virtuelles, soulignant qu’elles étaient toutes visées par la Commodity Exchange Act (CEA).
L’article 1a)(9) du CEA définit la commodity comme étant
« […] all services, rights, and interests […] in which contracts for future delivery are presently or in the future dealt in. »
Référant à l’affaire Board of Trade of City of Chicago v SEC 677 F 2d 1137, le CFTC souligne que la définition de commodity est vaste et se veut englobante afin de permettre l’évolution et de pouvoir englober des marchés qui n’étaient jusqu’alors pas envisagés. Ainsi, le CFTC conclut que le Bitcoin, comme les crypto-monnaies, est inclus dans cette définition.
Houman Shadab, professeur à la New York Law School soutient que cette décision aura un impact à long terme plus important qu’il n’y parait, car celle-ci met fin au débat sur la qualification des monnaies virtuelles en tant que valeur mobilière (securities) puisque le litige n’a pas été pris en charge par la Securities and Exchange Commission.
Qu’est-ce que le Bitcoin?
Le Bitcoin est une crypto-monnaie fondée sur un code source ouvert et dont l’architecture est publique.
Bien que le Bitcoin, dans une perspective libertarienne et peut-être utopiste, semble être la monnaie du futur, il apparait poser problème au niveau de sa légalité par son manque d’encadrement et inquiète face aux risques de fraude et à son utilisation sur le marché noir. Compte tenu du contexte dans lequel le Bitcoin évolue, il n’est pas surprenant de voir poindre un mouvement afin d’encadrer son existence. Dans cette perspective, de plus en plus d’organismes de régulation s’y sont intéressés, notamment en raison de sa volatilité. Or, dans les faits, très peu de pays ont établi des règles claires encadrant les monnaies virtuelles.
Aux États-Unis, certaines autorités gouvernementales, dont le Financial Crimes Enforcement Network (FinCEN), ont tenté d’encadrer le Bitcoin, principalement dans l’objectif de prévenir la fraude et de l’application du Bank Secrecy Act, ainsi que du USA PATRIOT Act. En 2013, FinCEN a publié un guide à l’intention des entreprises qui offrent des services de transmission, vente ou échange de Bitcoin, les soumettant à son autorité et imposant leur enregistrement.
Dans cette perspective, la décision du CFTC vient alors qualifier juridiquement le Bitcoin au niveau fédéral et le subordonne à son autorité. Toutefois, cette décision n’a aucun impact sur les tentatives d’encadrement du Bitcoin au niveau étatique, « CFTC’s action is not binding on any other regulatory agencies ».
Vers une première régulation étatique
Une première licence encadrant le Bitcoin a vu le jour en août dernier à New York. Il s’agit du « BitLicense » 23 NYCRR 200, qui vise la réglementation des compagnies qui sont impliquées dans des activités commerciales liées aux monnaies virtuelles.
« This includes companies that transmit virtual currency for financial purposes where the transfers involve more than a nominal amount of virtual currency. Businesses that store or control virtual currency on behalf of others, trade virtual currency as a customer business or act as a virtual currency exchange are also among those subject to the licensing requirement. »
Le New York Department of Financial Services souligne l’importance de la licence en ce qu’elle vise à augmenter la sécurité, la protection des clients et éviter le blanchiment d’argent. Elle vise les compagnies qui se situent dans l’État de New York et/ou qui servent des clients de cet État.
Les compagnies impliquées avec le Bitcoin doivent maintenant suivre de nombreuses obligations. Concrètement, elles devront notamment détenir un certain capital déterminé par le superintendant (section 200.8), recueillir de l’information sur les utilisateurs (section 200.15g)(1)), procéder à des audits annuels sur les dispositifs anti-blanchiment (section 200.15), dénoncer toute transaction d’une valeur supérieure à 10 000$ US (section 200.15d)(2)), mettre en place un système de cyber sécurité (section 200.16).
Bien que l’arrivée de la licence soit perçue comme une forme de validation institutionnelle du Bitcoin, lui reconnaissant un espace particulier au sein des marchés économiques, elle aura également refroidi les ardeurs de certains. Plusieurs sites internet ont d’ailleurs entamé la redirection des résidents de l’état de New York vers le site internet pleaseprotectconsumers.org qui affiche sur sa page d’accueil le message suivant :
« This service is censored in New York State due to regulations which mandate the extraction of your personal, private information. This jeopardizes your safety, so we refuse to do it. »
Malgré tout, le Department of Financial Services de New York (NYDFS) a reçu 25 candidatures. Depuis, l’entreprise Circle, s’est vue accorder, en septembre dernier, la toute première BitLicence. Tout récemment, une deuxième entreprise, Gemini, a aussi obtenu une licence.
Cette nouvelle BitLicence, s’ajoutant à la récente décision du CFTC qualifiant le Bitcoin de commodity, vient indéniablement changer la donne pour l’industrie du Bitcoin. Certains y verront une proposition axée sur la sécurité et pourront être tentés de faire le grand saut et d’investir, alors que d’autres considéreront que l’instrumentalisation gouvernementale défie les préceptes sur lesquels l’institution du Bitcoin repose. Dans cette perspective, la régulation des crypto-monnaies semble avoir changé irrévocablement la face du Bitcoin et pourrait signaler sa fin prochaine.