Si vous vous posez la question de savoir quel est le marché le plus concurrentiel ces temps-ci, votre réponse est surement le marché des « Smartphones ». Apple, Samsung, et autres consorts dominent ce marché où les places sont chères et la reconnaissance difficile à acquérir. Cependant, Leshi TV, nouveau concurrent chinois du secteur créé par le milliardaire Jia Yueting, ne manque pas d’attirer l’attention sur lui. Comment ? En comparant le géant Apple à Hitler dans leur dernière affiche promotionnelle mise en avant sur le compte Weibo du milliardaire et accompagné d’un message plus que cinglant.
Plutôt de mauvais goût et on est certain que la direction d’Apple a su apprécier l’allusion. Cependant, dans le cas où Apple voudrait que cette attaque peu loyale soit punie, que se passerai-t-il si les affiches venaient à être diffusées au Canada ou si un concurrent canadien se lançait dans le même type d’opération marketing ?
La première possibilité qui s’offre à Apple est un recours statutaire sur la base de concurrence déloyale et sur la base du droit des marques de commerce. L’utilisation du logo de l’entreprise à la pomme est bien mise en avant sur le brassard d’Hitler et l’affiche est à usage commercial (vente de téléphones). On peut facilement penser qu’Apple n’a pas donné son autorisation pour son utilisation, surtout que celui-ci est associé à l’image du dictateur allemand. C’est un vrai raccourci qui est utilisé ici : « Apple=Nazi », et cela nuit clairement à l’image de marque d’Apple, au moins en Chine. Dans notre cas, les activités de l’entreprise chinoise se basent sur le même marché que la firme à la pomme et l’affiche sous-entend clairement, avec les flèches marquées au sol, qu’acheter les smartphones d’Apple revient à soutenir un régime dictatorial versus être un « Cool Kid » pour le téléphone de Leshi TV. Une vraie publicité comparative mais également une vraie concurrence déloyale comme le montre l’article 7a) de la Loi sur les Marques de Commerce (LMC) : « Nul ne peut : faire une déclaration fausse ou trompeuse tendant à discréditer l’entreprise, les produits ou les services d’un concurrent », Apple n’étant clairement pas associable à Hitler la déclaration de l’entreprise chinoise est donc fausse et trompeuse. Qui plus est, en utilisant le logo d’Apple pour déprécier la marque et vendre ses propres téléphones, elle porterait atteinte à la réputation d’Apple au regard de l’article 22. (1) de la LMC : « Nul ne peut employer une marque de commerce déposée par une autre personne d’une manière susceptible d’entraîner la diminution de la valeur de l’achalandage attaché à cette marque de commerce. » mais également de l’article 1457 du Code Civil du Québec qui stipule que nul ne doit porter préjudice à une marque en fonction des circonstances et des lois.
L’autre recours d’Apple, qui apparaît comme complément de la première procédure, serait sur la base de la responsabilité civile et notamment l’action en diffamation. D’après l’article 1457 du Code Civil du Québec, chaque personne physique ou morale possède le devoir de suivre les règles de conduites dictées par les circonstances ou la loi afin de ne pas porter préjudice à une personne ou une marque et une entreprise dans notre cas. Le droit canadien protège la liberté d’expression notamment sur ce qui attrait à la parodie et la satire. Cependant, comme nous l’avons vu dans ce cas, il y a premièrement une vraie concurrence déloyale mais également une circonstance plutôt grave avec la comparaison au régime nazi qui peut facilement être considéré comme une insulte et des propos grossier. L’affiche n’a pas de motif valable, n’est pas d’utilité publique et contient donc des propos injurieux envers Apple. Le tribunal pourra donc se permettre de limiter la liberté d’expression de Leshi TV concernant cette affiche.
Dans les faits, Jia Yueting s’est excusé à propos de l’affiche mais également de ses propres propos sur Apple. L’intention est louable mais on ne peut qu’y croire modérément car comme la bible des marketeurs le dit, la mauvaise publicité reste de la publicité. Du moment que l’on parle de la marque…
En tout cas, dans le cas où il leur viendrait l’envie d’intenter des actions en justice sur le sol canadien contre une concurrence du même acabit que celle que proposait l’entreprise chinoise, Apple pourrait utiliser ces deux recours et aurait probablement de très bonne chance de se voir rendre justice.