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Jusqu’où Taylor Swift ira-t-elle pour protéger sa marque ?

Étudiante dans le cadre du cours DRT-69290
17 mars 2015
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En novembre 2014, Taylor Swift étonnait l’industrie musicale et ses fans en retirant ses albums du populaire site de streaming Spotify pour des raisons de rentabilité. Les récentes actions de l’artiste, que certains médias ont baptisé la Taylor trademark-mania, laissent croire qu’elle ne reculera devant rien pour protéger son œuvre…

Suite au succès de son dernier album, 1989, Taylor Swift a déposé plusieurs demandes d’enregistrement de marque de commerce pour des titres ou des paroles de chansons, répertoriées par le site Justicia.com. Même si les demandes sont encore en attente d’approbation par l’United States Patent and Trademark Office, les médias ont soulevé plusieurs questions sur les motivations de l’artiste ainsi que les assises légales de ses actions. En entrevue à CTV, l’avocate Susan Abramovitch souligne que «Taylor Swift est déjà protégée par la Loi sur le droit d’auteur (ci-après Lda) comme elle est l’auteure de ses chansons, mais que cette protection ne s’applique que lorsqu’il est question par exemple de reproduire, produire des disques ou faire jouer ses chansons dans un film»( notre traduction). Lorsqu’il est question de vente de produits et services, c’est plutôt la Loi sur les marques de commerce qui s’applique. Sur le site Justicia.com, on constate que l’artiste souhaite étendre la protection de ses paroles à une panoplie d’objets allant de la serviette de plage aux tatoos temporaires. Cependant, pour que la protection soit effective, Taylor Swift devra utiliser sa marque de commerce. En effet, selon l’article 4 de la Loi sur les marques de commerce (ci-après Lmc.):

[U]ne marque de commerce est réputée employée en liaison avec des produits si, lors du transfert de la propriété ou de la possession de ces produits, dans la pratique normale du commerce, elle est apposée sur les produits mêmes ou sur les emballages dans lesquels ces produits sont distribués, ou si elle est, de toute autre manière, liée aux produits à tel point qu’avis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou possession est transférée.

 

Or, ce serait annonciateur des intentions de Taylor Swift puisque lorsque des marchandises seront vendues avec ses paroles, ces dernières seraient associées à sa marque de commerce. Alors que l’industrie musicale est en plein bouleversement et que les modèles de revenus changent, Taylor Swift n’est pas la première artiste à compter sur la vente de produits dérivés pour générer des revenus. La plupart des avocats entendus par le biais des médias et des différents blogues qui ont couvert ce sujet s’entendent pour dire qu’il s’agit d’une décision d’affaires légitime et avisée de la part de la jeune artiste.

Des fans ciblés sur Etsy

 shake it offEn entrevue à Radio-Canada, l’avocat Daniel Drapeau indique que même si toutes ces demandes sont acceptées, Taylor Swift devra faire de l’anti-contrefaçon avec son équipe d’avocats et surveiller le marché pour s’assurer que personne n’emploie ses marques. Selon ses récentes demandes de retrait de produits sur Etsy, le populaire site de vente en ligne d’objets vintage ou fait à la main, il semblerait que ce travail soit déjà entamé à la grande déception de certains de ses fans. Plusieurs artistes ont vu leurs produits retirés du site Etsy, c’est entre autres le cas de Quinn Dreasler, qui a vu le porte-clés crocheté des paroles «Shake it off» (semblable aux œuvres de crochet réalisées par Taylor Swift) qu’elle vendait sur Etsy au prix de 12 $ retiré de sa boutique. Le blogue Buzzfeed a reporté plusieurs cas semblables et la plupart des vendeurs dont les produits ont été retirés soutiennent qu’ils créaient ces articles parce qu’ils admirent la chanteuse et qu’ils ne font pratiquement pas de profits avec la vente de ceux-ci. En réponse à l’article de Buzzfeed, Etsy a réaffirmé sa position publiquement : «When a seller opens a shop and lists an item on Etsy, they are agreeing to our terms of use, including trademark guidelines, and copyright and IP policy. When we are notified about allegedly infringing material, we act swiftly and in compliance with our policy which you can find here.». En effet, Etsy doit retirer les produits potentiellement illégaux pour se protéger dans le cas d’une éventuelle poursuite.

Au moment d’écrire ces lignes, en recherchant «Taylor Swift» dans le moteur de recherche du site Etsy vous verrez apparaitre plus de 300 items à vendre, dont plusieurs impliquant les paroles figurant dans la demande d’enregistrement de marque de commerce de Taylor Swift. Est-ce que ces vendeurs pourraient être accusés d’enfreindre la loi? Plusieurs dispositions de la Lmc. laissent croire que ce serait possible. Tout d’abord, l’article 19 de la L.m.c. «donne au propriétaire le droit exclusif à l’emploi de celle-ci, dans tout le Canada, en ce qui concerne ces produits ou services». Au sujet de la contrefaçon par confusion, l’article 20 de la Lmc. dispose qu’une marque de commerce est réputée violée si les critères suivants s’appliquent:

[L]e droit du propriétaire d’une marque de commerce déposée à l’emploi exclusif de cette dernière est réputé être violé par une personne qui est non admise à l’employer selon la présente loi et qui : a) soit vend, distribue ou annonce des produits ou services en liaison avec une marque de commerce ou un nom commercial créant de la confusion; b) soit fabrique, fait fabriquer, a en sa possession, importe, exporte ou tente d’exporter des produits, en vue de leur vente ou de leur distribution et en liaison avec une marque de commerce ou un nom commercial créant de la confusion; […]

De plus, l’article 7 précise qu’il est interdit d’appeler l’attention du public sur ces produits, de manière à causer de la confusion. Or, la présence même des produits sur la plateforme de vente Etsy pourrait être considérée une recherche de visibilité en vue d’une commercialisation trompeuse. Enfin, au sujet de la perte de revenus potentiels pour l’artiste, notons également que l’article 22 de la Lmc permet au titulaire de la marque d’empêcher l’emploi de la marque lorsque c’est susceptible de diminuer la valeur qui s’y rattache.

En affaire, il n’y a pas d’amis

À une époque où les fans s’approprient de plus en plus les marques qu’ils aiment, les artistes de l’industrie musicale doivent compter sur l’expérience globale de leurs admirateurs et non seulement sur la vente de disques pour générer des revenus. Est-ce que Taylor Swift prend la bonne décision en agissant ainsi envers les artisans du site Etsy? Elle n’est pas la seule artiste à devoir composer avec à cette nouvelle réalité.

 

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