Ce billet a donné lieu à une précédente publication sur Journal de Montréal.com
Dans un rapport rendu public début juillet par le Pew Research Internet Project, l’on rend compte des principales menaces qui confrontent le développement d’Internet. Le rapport a été réalisé à partir d’un sondage auprès de 1,400 experts concernés par les enjeux d’Internet.
On y relève les craintes liées au contrôle exercé par les Etats et les agences gouvernementales sur Internet. De tels contrôles impliquent souvent le blocage ou le filtrage de certains sites en vertu de mesures de la sécurité nationale ou pour « lutter contre la diffamation ». Cela finit par balkaniser l’information et menace la liberté d’informer et de s’informer sur le net.
Ces inquiétudes ont été accentuées ces dernières années par les révélations sur les pratiques d’espionnage par les agences de renseignement américaines. Surtout que l’on sait maintenant que la grande majorité des « écoutes » de la NSA auraient touché des personnes ne présentant pas de risque terroriste.
Le nationalisme, les intérêts souverains, ainsi que les « différences régionales en matière de politique et de culture » sont identifiées par cetains comme autant de menaces pesant sur le « flux » de données accessibles en ligne.
Le rapport pointe la censure qui est à l’oeuvre dans les pays ayant connu récemment des révolutions, des émeutes, des basculements politiques dictés par la rue comme lors de ce qu’on a désigné par le « printemps arabe ».
Le blocage de Twitter en Turquie dans la foulée d’un scandale mettant en cause le premier ministre est cité en exemple. Le « Great Firewall » chinois, qui bloque l’accès à plusieurs réseaux sociaux occidentaux, est également évoqué.
Les menaces qui pèsent sur Internet ne proviennent pas que des pays à régime autoritaire. Par exemple, les initiatives menées par l’Union européenne pour garantir le respect de certaines conceptions du droit à la vie privée pourraient avoir des effets néfastes sur la liberté de rechercher des informations.
Par exemple le « droit à l’oubli » imposé depuis la mi-mai à Google (de même qu’aux autres outils de recherche) et permettant de réclamer de supprimer des résultats de recherche constitue un accroc significatif à la liberté de rechercher des informations.
Au delà des restrictions d’accès à certains contenus, la crainte de la surveillance pourrait en plus dissuader les internautes dans leur volonté de partager et communiquer sur la Toile.
Autre préoccupation majeure des experts interrogés par les auteurs du rapport : la monétisation croissante des activités en ligne : la « pression commerciale » peut engendrer des situations qui réduisent la liberté des internautes.
Certaines pratiques consistant à accorder, moyennant finance, un traitement prioritaire à certains contenus peuvent entrer en contradiction »avec le principe de la neutralité du Net. Ce principe de non discrimination, en vertu duquel la circulation de l’information sur Internet doit se faire à la même vitesse pour tout le monde.
Or la Federal Communications Commission, le régulateur américain des réseaux de communication a autorisé la dérogation à ce principe de neutralité d’Internet et a autorisé les « traitements préférentiels ». Plusieurs estiment que cela avantagera les entreprises prêtes à proposer des forfaits plus chers, avec un débit plus élevé pour certaine sites comme les sites de vidéos.
Les droits d’auteur et les brevets sont également identifiés comme une forme de barrière, à la fois sur les contenus et sur leur diffusion. Plusieurs préconisent le développement des Creative Commons, ces licences qui permettent le partage, dans certains cas précis, de contenus (photos, musique, vidéo…) dans le respect des droits d’auteurs.
Des interrogations sont aussi évoquées au sujet des algorithmes de recherche qui, tout en permettant à l’utilisateur de filtrer au maximum la masse de contenus pour les limiter aux plus pertinents, sélectionnent les résultats en fonction de leurs intérêts économiques.
Par exemple, en Europe, plusieurs groupes d’intérêts s’interrogent sur les pratiques de Google qui domine le marché des moteurs de recherche. On craint que celle-ci soit tentée de privilégier ses propres intérêts dans les résultats de recherche qu’elle livre à ses usagers.
Le rapport souligne enfin l’importance de la gestion de l’identité sur Internet. Dans la mesure ou le réseau devient un lieu majeur de réalisation des transactions, il importe que l’on puisse identifier les usagers de façon sécuritaire et efficace. Il est également essentiel que l’identification emprunte des procédés qui respectent la vie privée.
En fin de compte, ce rapport offre un constat des dangers qui menacent le développement d’Internet, devenu désormais l’un des principaux lieux d’interactions.
Plus les relations au sein du réseau prennent de l’importance, plus les enjeux de protection de la liberté de communiquer prennent de la place dans l’agenda des débats publics.