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Compte rendu de l’audition sur les monnaies virtuelles par le Homeland Security and Governmental Affairs committee

(cc) BTC Keychain

Erwan Jonchères est étudiant dans le cadre du cours DRT 6903 (UdeM)
20 novembre 2013
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Le 18 novembre à Washington le Homeland Security and Governmental Affairs committee dirigé par le sénateur Carper fait une audition sur les monnaies virtuelles et le Bitcoin avec des représentants de l’US Department of the Treasury, de l’US Department of Justice, de l’US Secret Service et de l’US Department of Homeland Security ainsi que des membres de la Bitcoin Foundation et d’autres organisations.

Le but de ces audiences est pour le Sénat de comprendre les différents tenants et aboutissants des monnaies virtuelles avant de mettre en œuvre la machine législative ainsi que les moyens pour prévenir les organisations criminelles d’en faire un usage illicite. Lors de l’audition, tous les acteurs, dont Ben Bernanke le président de la Fed dans une lettre, s’accordent sur le fait que les monnaies virtuelles et en particulier le Bitcoin sont des innovations financières qui sont et seront bénéfiques pour le monde entier, en particulier pour les pays émergents, pour les personnes vivant sous des régimes autoritaires ainsi que pour les commerçants et particuliers otages de frais bancaires trop élevés pour des transactions trop lentes. Chacun vante les avancées technologiques et sociétales que peuvent engendrer les monnaies virtuelles, sans parler de la création d’emplois. C’est donc sous l’égide de la bienveillance que commence l’audition menée par le sénateur Carper.

Toutefois rentrons dans le vif du sujet. Lors de l’audition, la directrice du FinCEN prend position pour les monnaies virtuelles tant que les utilisateurs agissent dans le cadre de la loi. D’ailleurs en ce qui concerne les monnaies virtuelles FinCEN, équivalent américain du FinTrac canadien ou du Tracfin français, a d’ailleurs rédigé des lignes directrices concernant les money service businesses ou entreprises de services monétaires sorties en mars 2013. Dans ce rapport le FinCEN demande aux entreprises de services monétaires de s’enregistrer auprès du FinCEN, de mettre en place des politiques de contrôle anti-blanchiment d’argent et de faire des rapports au FinCEN sur les activités suspectes concernant les transactions incluant les monnaies virtuelles.

L’US Department of Justice considère que les monnaies virtuelles ne sont pas illégales mais qu’il faut que tous les acteurs gouvernementaux travaillent ensemble pour faire respecter la loi dans les systèmes de monnaies virtuelles.

L’US Homeland Security, quant à lui, considère dans son rapport qu’il y a trois types d’infrastructures qui facilitent les activités criminelles en ligne. La première vient des forums criminels où les organisations s’échangent des techniques ainsi que des contacts, c’est d’ailleurs sur certains de ces forums qu’un tueur à gage peut rencontrer virtuellement un faussaire afin de se forger une nouvelle identité ou qu’un pédophile peut se connecter à un producteur de pédopornographie. La seconde facilitation viendrait des bulletproof hostings qui sont des hébergeurs web permettant à leurs clients d’uploader et de distribuer des fichiers sans grand contrôle quant au contenu. Ces services, principalement basés en Chine et en Russie, permettent aux clients dont les lois nationales sont plus strictes, d’outrepasser ces lois et les conditions d’utilisations restrictives sur internet. Et enfin la dernière facilitation aux activités criminelles en ligne est l’utilisation des monnaies virtuelles qui garantissent l’anonymat tout en permettant d’effectuer des opérations en ligne sans possibilité de contrôle étatique.

Pour contrer cela, selon l’US Department of Justice, il faut montrer aux utilisateurs que les sites criminogènes sont surveillés par des agences gouvernementales, qu’il y a des failles dans ces sites et que donc l’anonymat n’y est pas parfait. Il faut expliquer que les sites ne sont pas sûrs pour l’utilisateur qui peut être lui-même victime d’attaques informatiques ou de fraudes et qu’en tant qu’utilisateurs actifs de ces sites là ils ne sont pas à l’abri d’une investigation et donc de la loi. Une approche soutenue par l’US Department of Homeland Security qui ajoute qu’il est primordial de développer les techniques d’enquêtes existantes et d’en développer de nouvelles, de former des personnes qualifiés dans le domaine des technologies de l’information et de la communication ainsi que dans le domaine des nouvelles technologies. Avis aux chômeurs diplômés.

Lors de l’audience certains intervenants préconisent d’exploiter les vulnérabilités et failles des sites à vocation criminelle afin de récupérer les adresses IP des participants, de remonter à leurs adresses réelles afin de pouvoir les traduire en justice le moment venu.

Tous s’accordent sur le fait que la coordination internationale doit être développée pour pouvoir combattre l’utilisation illégale des monnaies numériques par les criminels. En effet ces monnaies numériques ne sont pas cantonnées à un seul pays et peuvent traverser les frontières en un clic, c’est pourquoi il est important que les pays travaillent ensemble pour lutter contre l’utilisation frauduleuse de ces monnaies afin de permettre que par la suite elles puissent bénéficier d’une acceptation globale de la part des Etats. Différents intervenants s’accordent pour dire que le fait que le Bitcoin n’ait pas d’autorité centrale qui s’occupe de gérer la monnaie n’est pas une cause d’attrait pour les criminels, que bien au contraire ce manque d’autorité centrale est problématique car les transactions sont transparentes, enregistrées dans un livre public. Les organisations criminelles préfèrent qu’il y ait une autorité centrale gérant la monnaie virtuelle qui leur soit favorable comme celle de Liberty Reserve.

Si l’on doit retenir légalement quelque chose de cette audience c’est que selon les différentes agences et groupes d’intérêts représentés, pour le moment les lois en vigueur aux Etats-Unis sont assez larges pour englober les problèmes relatifs aux monnaies numériques à l’heure actuelle.

Voici les lois américaines encadrant les monnaies virtuelles et empêchant leur utilisation frauduleuse :

-Le Bank Secrecy Act qui est le texte principal contre l’utilisation des monnaies virtuelles dans un but de blanchiment d’argent ou dans un but terroriste.

-La Section 311 de l’USA Patriot Act qui prévoit des règles quand le blanchiment d’argent semble être fait à l’étranger.

-Le 18 USC § 1956 qui lutte contre le blanchiment d’instruments monétaires.

-Le 18 USC § 1957 qui lutte contre les transactions monétaires provenant de biens issus d’activités illégales.

-Le 18 USC § 1960 qui interdit les entreprises de transmission de monnaie non licenciées.

-Toutes les lois concernant des crimes qui peuvent être commis que ce soit dans le monde réel ou virtuel, comme des lois luttant contre le trafic de drogue ou contre la vente de pédopornographie.

Quant aux heureux vendeurs lors des pics de 900$ atteints par le Bitcoin en cette folle journée du 18, les agences américaines n’ont pas encore de réponses claires sur la qualification fiscale des monnaies numériques aux Etats-Unis. Toutefois toute aubaine pécuniaire ne pouvant rester longtemps sans être taxée, l’IRS va publier d’ici quelques mois des lignes directrices concernant la fiscalité des monnaies numériques.

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