Peut-on divorcer via Facebook ? quel est le statut juridique d’un profil Facebook ? à quel type de mode de signification rattache-t-on le profil Facebook ? Facebook, mode spécial ou mode personnel de signification ?
Dans le cadre du jugement rendu le 22 août 2013 par la Cour Supérieure du Québec, le juge Gaétan Dumas, s’est prononcé sur une requête introductive d’instance en divorce, pour laquelle la signification spéciale par Facebook a été demandée. La demanderesse alléguant l’impossibilité de joindre le défendeur, ce dernier n’ayant aucune adresse connue au Québec, et le couple communiquant exclusivement via le réseau social Facebook.
Relativement à cette requête pour mode spécial de signification, la question soulevée par le juge porte sur la qualification du mode de signification, à savoir, s’il s’agit d’un mode spécial régit par l’article 139 (3) du code de procédure civile ou bien d’ « un autre mode de signification », régit par l’article 138 c.p.c ? Cette qualification ayant une conséquence sur la procédure, l’article 138 C.p.c spécifie que la requête peut être autorisée par le juge ou le greffier, alors que l’article 139 C.p.c prévoit la compétence exclusive du juge.
Le juge Gaétan Dumas relève que la demande ne porte pas sur la publication d’un avis public via Facebook, mais qu’il s’agit « d’une signification personnelle, mais par Facebook », et que :
« [9] Donc, Facebook, ou tout autre courrier électronique, serait un mode additionnel de signification.
[10] En conséquence, vu l’article 138 du Code de procédure civile, le greffier avait juridiction pour accorder la requête, il n’était pas utile de demander au procureur de se présenter en chambre de pratique de la Cour supérieure qui ne siège que les jeudis et vendredis. Le greffier aurait donc pu accorder cette requête tous les jours de la semaine, sans qu’il soit nécessaire pour les procureurs de se présenter devant le juge et sans qu’il soit nécessaire pour les procureurs d’attendre que l’appel du rôle soit complété. Ce qui normalement aurait pris 10 minutes, a pris au procureur au moins 2 h 30. »
Nous pouvons en déduire que, Facebook est un mode personnel de signification, entrant dans la catégorie des « autres modes de signification » régit par l’article 138 C.p.c ; mais également, qu’il s’agit d’un mode additionnel, les autres modes, dits plus « traditionnels » (signification par avis public ou courrier recommandé par exemple) étant à privilégier.
Ainsi, par cette décision, la légalité de Facebook comme mode de signification se trouve réaffirmée, le caractère personnel est quant à lui entériné par la Cour Supérieure. Par sa position, le juge énonce que la signification par voie électronique, qu’elle passe par les courriels ou Facebook, représente un mode additionnel et non spécial. Dès lors, l’adresse électronique a une valeur juridique équivalente à l’adresse postale reconnue comme étant le mode traditionnel. Sans le dire explicitement le juge reconnaît l’un des principes fondamentaux établit par la loi concernant le cadre juridique des technologies de l’information., le principe d’équivalence fonctionnelle que l’on retrouve notamment aux articles 1 al.3, 28 et 74. En vertu de l’article 28 :
« Un document peut être transmis, envoyé ou expédié par tout mode de transmission approprié à son support, à moins que la loi n’exige l’emploi exclusif d’un mode spécifique de transmission.
Lorsque la loi prévoit l’utilisation des services de la poste ou du courrier, cette exigence peut être satisfaite en faisant appel à la technologie appropriée au support du document devant être transmis. De même, lorsque la loi prévoit l’utilisation de la poste certifiée ou recommandée, cette exigence peut être satisfaite, dans le cas d’un document technologique, au moyen d’un accusé de réception sur le support approprié signé par le destinataire ou par un autre moyen convenu.
Lorsque la loi prévoit l’envoi ou la réception d’un document à une adresse spécifique, celle-ci se compose, dans le cas d’un document technologique, d’un identifiant propre à l’emplacement où le destinataire peut recevoir communication d’un tel document ».
A la lecture de cet article, combiné aux articles 123 et 140.1 C.p.c, on s’aperçoit que le code de procédure n’exclut pas les technologies de l’information comme outil de signification des actes de procédures, puisqu’il n’exige pas un mode plutôt qu’un autre et ce en conformité avec l’article 28 de la Lccjti.
La loi permet ainsi l’utilisation de différents modes de transmission des documents, égaux en droit quelque soit leur support, et on peut regretter que le juge n’ait pas saisi l’opportunité de cette affaire pour utiliser la loi concernant le cadre juridique des technologies de l’information qui lui aurait permis d’arriver au même résultat.
Toutefois, le recours au code de procédure civile permet au juge de mettre en place une hiérarchie entre les modes électroniques et les modes dits « traditionnels ». Bien que l’équivalence fonctionnelle reconnaisse la possibilité de signifier via Facebook, le juge mentionne que celle-ci ne doit pas être vue comme absolue. Les modes traditionnels demeurent prioritaires dans la signification, mais si toutefois la question du recours aux modes électroniques se pose, ces derniers sont reconnus comme équivalent.